dimanche 2 octobre 2011

Le deuxième concert Part I ou « De l’importance du cor de chasse dans le rock indé »

« Reticulum endoplasmique » n’était plus. La formation avait sombré dans le non-être telle une comète disparaissant dans la nuit. Les raisons de ce triste dénouement ? A la fois nombreuses et incertaines. Etions-nous trop en avance sur notre époque avec nos structures de chansons complexes (couplet refrain couplet refrain pont refrain) ? C’est possible. Nietzsche n’a-t-il pas écrit en se touchant la moustache d’obscène manière « certains naissent posthumes » ? Le facteur humain a également joué un rôle primordial. Dit autrement, on ne pouvait plus se blairer. Bon, ok, ça n’était pas aussi simple que ça. Si j’avais dû, à l’époque, décrire les membres de Reticulum, j’aurais dit « David : bon guitariste mais ultra relou ; bassiste : pas méchant mais quel est son prénom déjà ?; Michael : très sympa, très mauvais ». Bref, des tensions apparurent, surtout entre David et moi et ça ruinait un peu l’ambiance. C’est dans un tel contexte que nous eûmes la riche idée de demander à un mec qui était en anglais au lycée de Sèvres avec moi de jouer du saxo dans le groupe. A ce jour, je me demande encore si ce n’était pas une sorte d’acte manqué. Comment expliquer sinon qu’une telle idée ait germé dans mon esprit, quand cet instrument ne m’évoquait que les solos dégueus des morceaux plein de réverb des années 80. Rajoute à ça que ce mec, Boris, c’était pas vraiment Macéo Parker. A tel point qu’un jour, je lui demandai de rendre son jeu un peu plus souple. Plus groovy.
-Plus groovy ? », me demanda-t-il en faisant preuve d’une réelle curiosité.
-Bah ouais ? Tu vois l’idée d’amener un sax dans Réticulum c’était de mélanger funk et rock indé. Et toi », j’hésitai un instant avant de dire ce que je pensais puis je me lançais « bah on dirait plus du cor de chasse.
Il ne le prit pas mal du tout. Au contraire, il abonda dans mon sens.
-Ce n’est pas faux ce que tu dis. Si tu veux tout savoir, moi ce qu’on m’a appris à jouer au conservatoire, c’est du saxophone classique. Or les œuvres majeures pour saxophone classique ont souvent été composées à l’origine pour d’autres instruments. Notamment pour le cor de chasse.
Du « saxophone classique » ? Il se foutait de ma gueule ou quoi ? Je l’observai un moment puis décidai que non, il était sérieux. Je n’avais jamais entendu parler de ça. Du saxo classique. Putain. C’était bien ma chance.
J’aurais dû immédiatement trancher dans le vif et mettre un terme à notre collaboration. Mais que voulez-vous, je suis un gentil, je n’aime pas torturer les faibles alors, imaginez, un saxophoniste classique…
En écrivant ça je me rappelle que l’effectif de Réticulum est monté un moment (pas longtemps mais quand même) à six musiciens. On avait en effet recruté sur un coup de tête un mec, Grégoire, qui jouait du clavier. Enfin, jouait : « jouait » quoi. Ce gars était blindé de thune. Il s’était pointé à sa première répète avec un synthé Roland qui avait dû coûter un bras chacun à ses parents. Moi je m’étais dit que pour les avoir convaincus de lui offrir un instrument comme ça, il devait assurer un minimum. Erreur là encore : il faisait des solos avec l’index de la main droite, ce qui 1) lui donnait l’air con, 2) limitait un peu l’étendue de son expression artistique. Bon celui là, en plus d’être mauvais, il était désagréable. Il critiquait tout et, en premier lieu, l’endroit où nous répétions. Michael habitait dans un immeuble à Sèvres et sa mère possédait un box pour garer une voiture, mais pas le véhicule qui allait avec. Du coup, on jouait là, enfin quand le gardien psychopathe ne venait pas couper le courant pour nous faire taire. Franchement c’était très bien, rien à dire, une vraie aubaine (un peu aussi la raison pour laquelle on passait sous silence les problèmes rythmiques de notre hôte). Bah au Grégoire, ça ne lui allait pas.
-Ca caille putain ! », fit-il lors de la première répète. J’avais envie de lui dire « ouais c’est le principe de l’hiver » ce qui aurait été particulièrement bien envoyé car on était en janvier. Mais bon je le laissais dire. Par contre quand il a déclaré que je chantais un peu comme une fiotte, je n’ai guère goûté l’homophobie de la réflexion. Je lui fis part de ce ressentis de manière un peu vive (je mentionnai notamment une sorte de parenté artistique le liant à Charlie Oleg) et il quitta la répétition en claquant la porte (ou plutôt en essayant de la claquer vu qu’elle s’ouvrait par le haut, ce qui rendait la chose ardue). On mit un moment à prendre conscience d’un élément majeur : ce con avait laissé son Roland dans le garage.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire