lundi 26 mars 2012

Last Days!

Salut à tous!
Juste un petit message pour vous prévenir que vous n'avez plus que quelques jours (jusqu'au 30 mars en fait) pour préacheter le nouvel EP de Folks et toutes sortes de bien à forte teneur en culture. Rendez vous dans les délais les plus brefs!
François.

lundi 13 février 2012

Sherlock Heaulme : Mi privé, mi tueur en série

Bon. Il s'est passé plein de trucs depuis quelques semaines. Ok il s'est passé un seul truc en réalité(mes débuts sur les ondes hertziennes) et j'ai pas mal brodé autour. Cela ne doit cependant pas nous faire perdre le fil de la merveilleuse saga entamée il y a quelques mois. Pour vous remettre à la page, vous pouvez relire le dernier épisode pré-taratata ici
Pour ceux qui auraient la flemme, souvenez-vous, Folks s'apprête à enregistrer son premier EP chez Jean-Paul, fan de Bernard Lavilliers et heureux possesseur de la guitare de Richard Gotainer. Laissez-vous emporter...


Vu le ton sur lequel cette mise au point était formulée, Adrien comprit qu’il était en train de s’aventurer en territoire ennemi. Aussi se fendit-il d’un « belle chanson en tout cas » qui sembla rasséréner notre hôte.
Bon, pour résumer, Jean-Paul n’était pas fan de la scène de Seattle et aimait la musique qui fait rire avec de véritables morceaux de jeux de mots à l’intérieur. Ca allait être une véritable gageure de bosser avec lui.
-Bon écoutons ce qu’on a là », dit-il en insérant le cd des Pixies dans son lecteur. Dès les premières mesures de batterie, il fit la grimace et baissa le volume. Quand la basse entra, son visage laissa transparaître la perplexité, puis lorsque la guitare de Joey Santiago fit son apparition, on comprit que la greffe du rock indé bostonien allait avoir du mal à prendre sur un terreau labouré par quarante ans d’écoute de variété française.
-Vous voulez un son comme ça ? » demanda-t-il dubitatif.
-Ah bah ça serait génial, ouais.
-Mais…c’est pas…
-C’est pas quoi ?
-C’est pas propre !
Véridique. « C’est pas propre ». On était tombé sur le Canard WC de la production. Bon au moins, Jean-Paul était de bonne volonté et nous fit savoir que, même s’il ne comprenait pas réellement nos motivations, il ferait ce qu’il pouvait pour nous permettre d’atteindre un résultat proche de nos attentes.
Le disque de Swell était en train de le plonger dans un état cataplectique lorsqu’on entendit la sonnette résonner dans l’entrée. Comme un chien s’ébrouant au sortir de l’eau, Jean-Paul secoua la tête.
-Ca doit être Francis », dit-il avec un peu d’espoir dans la voix, comme si le vent de la normalité allait enfin souffler dans le studio. Jean-Paul s’esquiva de la pièce et revint quelques instants plus tard en compagnie d’un quinquagénaire tout blanc qui portait un jean délavé et un haut de jogging Le coq sportif.
-M’sieur, dames », fit-il avec jovialité en nous voyant.
-Francis est venu pour m’aider à placer les micros autour de la batterie. On a bossé ensemble sur « on the road ».
Là, je commençai à être sceptique : fallait être deux pour ça ? Jean-Paul dût s’apercevoir de mon étonnement car il se sentit obligé de se justifier : il s’était flingué le dos quelques jours auparavant en jouant au badminton et il avait du mal à se baisser. D’où Francis. Je ne sais pas si les gens finissent par ressembler à leur nom comme ils en viennent à ressembler à leur chien au début des 101 dalmatiens, mais ce qui est sûr, ce que, selon moi, Francis avait vraiment une tête de Francis. Et à bien le regarder je finis par me dire qu’on pouvait même être plus spécifique, sans savoir vraiment ce que je voulais dire par là. Puis ça me tomba sur le coin de la gueule sans prévenir : ce mec ressemblait comme deux gouttes d’eau à Francis Heaulme ! C’était assez flippant : les joues creuses, les lunettes, l’aspect grisâtre de la peau…Francis choisit le moment où ces similarités me sautèrent au visage pour m’adresser un sourire où manquaient plusieurs dents. Un frisson me parcourut l’échine.
-Bon on va installer la batterie. Tu viens Francis ?
-Putain vous avez remarqué ? », fis-je aux autres une fois que les deux furent hors de portée de voix.
-Carrément » fit Baptiste. « C’est flippant.
-Qu’est-ce qu’est flippant ? » demanda Rodolphe. Visiblement, ni lui ni Adrien n’avait remarqué quoi que ce soit.
-Bah le jogging quoi ! Le coq sportif ! Sérieux !

Taratata: la vidéo

Alors? Ce polo? Vous en dites quoi?
Au cas où vous auriez raté l'événement, ça se passe ici:

jeudi 9 février 2012

Folks en interview: ego trippin'

Bientôt, promis, la suite de mes aventures extra-scolaires.
En attendant,admirez à quel point je prends bien la lumière dans cette interview réalisée par le site aietvblog. Et n'oubliez pas Taratata demain soir/nuit (l'émission commencera à 00h42 pétante et je passe en avant dernier si vous avez bien tout suivi).

vendredi 3 février 2012

Taratata dernière : "Ok Obiwan"

Je n’étais pas attendu sur le plateau avant 22h. Je retournai donc à ma loge, tentai de lire quelques pages de « Guerre et paix » (bon ok, du « Fléau » de Stephen King) et n’y parvenant pas, j’allumai la télé qui diffusait les images du plateau. L’émission commença. Effectivement, après les Cranberries, il y eut Mama’s Mule, et ils assurèrent autant qu’en répète. On m’avait expliqué que l’émission était enregistrée dans les conditions du live : s’agissait pas de se planter, sinon la belle machine hoquetait, s’arrêtait et pour la faire repartir, c’était toute une organisation. J’avais demandé si ça produisait souvent. « Rarement », m’avait répondu le technicien en me jetant un regard soupçonneux, comme si je lui avais fait part de mon intention de faire basculer l’émission dans le chaos. C’est moche, mais en regardant la télé, je priai pour qu’un batteur oublie de démarrer ou qu’un chanteur se trompe dans les paroles. Ça aurait créé un précédent et je me serais senti moins seul si moi aussi je me plantais. Mais non, le suprême barbu en avait voulu autrement.
Avant de partir rejoindre le plateau, une drôle d’idée me prit, celle de me moucher. Je m’exécutai, puis me dirigeai vers la glace pour checker une dernière fois que j’étais au top niveau charisme. C’est là que je remarquai que mon nez était tout blanc par rapport au reste de mon visage : j’avais enlevé tout le fond de teint en me mouchant !
« Non, non, non » murmurai-je en boucle comme si on venait de m’annoncer que mes parents, bah ce n’était pas vraiment mes parents. Je ressortis le mouchoir de ma poche : effectivement, il y avait plein de poudre beigeasse dessus. Avec délicatesse, je me retamponnai le nez puis me regardai dans la glace : j’avais toujours le teint de Julio Iglesias qui aurait passé huit heures sur la plage en plein cagnard avec un cache-nez mais il me semblait que c’était moins flagrant. Je regardai ma montre : 22h05. Bon, de toute manière, je n’avais plus le temps de réfléchir, il fallait que j’y aille.
Quand j’entrai dans le hall du bâtiment principal, ça grouillait de monde. Des gars des labels, des attachés de presse, plein de gens qui parlaient assez fort. Je retrouvai Christine qui me dit qu’on avait encore une bonne demi-heure avant de se rendre dans les coulisses. Ne sachant pas trop où me mettre, je me contentai de rester debout, à regarder le grand écran qui diffusait l’émission. Le chanteur Oldelaf commença à chanter et vu que son morceau était plutôt drôle, je me mis à rigoler. C’est alors que deux mecs surgirent, montèrent d’autorité le son et se placèrent entre moi et l’écran, l’air de dire « Toi, nous nions ton existence ». J’entendis quelqu’un murmurer à côté de moi « C’est leur artiste » comme si 1) Oldelaf était une SARL et qu’ils en possédaient des parts 2) Cela justifiait un comportement nous rappelant que l’homme descend parfois directement du porc. Sentant monter dangereusement l’envie de buter du Directeur Artistique, j’allais poser une fesse sur un canapé et comptait mes dents avec ma langue en tentant de me calmer.
- On va y aller », fit Flavien, chargé des découvertes chez Taratata, quelques minutes après.
On repassa devant les loges puis on poussa la porte qui menait au studio. Le plateau brillait au milieu des ténèbres obscures et noires. Arrivé au pied de l’escalier, Flavien m’indiqua la route à suivre et on alla se mettre non loin des escaliers péruviens, derrière les spectateurs.
- Y a le duo Chris Isaak et Emilie Simon, ensuite, petite interview et après c’est à toi.
- Ok.
- T’iras t’installer pendant l’interview.
- Ok. » J’étais décidément en verve.
On regarda le duo sur une télé qui était installée là. J’avoue que je n’ai pas vraiment profité de Blue Hotel, trop occupé à respirer par petits coups secs pour me calmer, sous grosse influence Jacques Mayol.
- C’est à toi.
Effectivement, l’interview avait commencé. Bon, je monte les escaliers et je m’installe sur mon tabouret de batterie. Le technicien à l’oreille surdimensionnée m’apporte ma guitare accordée et j’attends. L’interview se termine, clap clap clap. Puis Nagui me présente. Là j’ai un vieux flashback : je vois la dame du matin qui, tel le fantôme d’Obiwan Kenobi s’adressant à Luke Skywalker, me dit « Quand Nagui t’a annoncé et que les gens commencent à applaudir, tu pars direct : tu n’attends surtout pas ».
- Ok Obiwan » murmurai-je et je me tins aux aguets. La paire de paume d’un spectateur surmotivé n’avait même pas fini de résonner que je dégainai la première note. C’est alors que l’incroyable arriva.

Pour connaître la suite, branchez-vous (on se branche sur une télé ? je ne sais), vendredi 10 février (pas celui-là mais l’autre) sur France 2 à 23h30 (je passe en avant dernier avant les Ting Tings).

mercredi 1 février 2012

Taratata 7 : "Blagues Panthers!"

Pour ce qui est de l’après-midi, il faut reconnaître qu’elle est passée assez vite. Je ne sais pas pour vous, mais moi, la digestion, ça me casse en deux. Aussi abandonnai-je Christine pour regagner ma loge où j’avais déjà mis en place un partenariat gagnant-gagnant avec le canapé et le fauteuil et je m’abandonnais aux bras potelés de Morphée.
Lorsque j’ouvris les yeux, il faisait noir. Bon, ok, je n’en savais rien vu qu’il n’y avait pas de fenêtre dans la pièce. Mais, je le sentais comme la musaraigne sent la présence de l’aigle affamé. Je regardai ma montre : 18h ! J’avais dormi quatre heures ! Holy mother of god ! En plus, j’avais promis au technicien en charge des instruments de lui apporter ma guitare à 17h (« faut qu’elle s’habitue au plateau » m’avait-il dit en regardant l’instrument avec un sourire légèrement inquiétant) ! Je me saisis d’Excalibur et claquai la porte non sans l’avoir ouverte au préalable.
Retour sur le plateau, repérage du technicien, plates excuses puis recherche de Christine. Cette dernière était assise dans les gradins aux abords du plateau. Un jeune homme roux était en train de faire sa balance.
- C’est Ed Sheeran.
- Il est vachement roux », fis-je avec l’intime conviction de faire avancer le débat. Je me dis aussi « Cool, un autre mec juste avec une guitare ». Bon, au bout de deux minutes je déchantai : le rouquin avait un sampler et à la fin du morceau on aurait dit qu’il y avait autant de monde sur scène que dans un concert des chœurs de l’Armée rouge.
- Faut que tu te fasses maquiller », me dit Christine alors qu’on regardait l’Ed ranger ses affaires.
- Ah bon ?
- Et oui. Sinon tu vas avoir la peau qui brille.
Christine essayait-elle de me dire avec tact que j’étais déréglé au niveau de la production de sébum ? J’en étais là de mes réflexions quand elle se leva et me fit signe de la suivre. On remonta à la surface (au rez-de-chaussée quoi) et on se dirigea vers la salle où se trouvait la maquilleuse qui discutait avec deux personnes d’obédience masculine. Je n’en crus d’abord pas mes oreilles, mais il me fallut bien vite me rendre à l’évidence : les enceintes d’un ordinateur portable posé sur une table déversaient « Simple & Funky » d’Alliance Ethnik. Etais-je tombé dans un vortex qui m’avait ramené tel Marty McFly deux décennies en arrière ? Ça plus le fait de me faire appliquer sur le visage diverses poudres et onguents… un certain sentiment d’irréalité me gagnait. J’avais fermé les yeux pendant l’opération. J’avais un peu peur de ressembler à Kimera en les ouvrant mais non, on aurait dit juste moi, en mieux.
La suite du programme, c’était le dîner. Sûr qu’avec mes quatre heures de sommeil, j’avais l’impression d’être passé sans transition d’un repas à l’autre, mais l’heure c’était l’heure. Pour le coup, pas de Chris Isaak, mais on tomba sur les Mama’s Mule. Il y avait deux places libres à leur table et nous nous en emparâmes avec autant d’avidité qu’en éprouve l’orque se jetant sur la grasse otarie. Je me retrouvais à côté du batteur, Jessy. Il m’expliqua qu’il faisait partie d’un groupuscule appelé les « blague panthers » dont l’idée force (et pour tout dire la seule) était la suivante :
- Lorsqu’une blague te passe par la tête t’es obligé de la raconter.
J’avouais que je ne voyais pas trop ce que ça avait de difficile.
- Ça c’est parce que tu ne t’es jamais retrouvé à répondre à un employeur lors d’un entretien d’embauche que ton principal défaut c’est la fourberie.
- La fourberie ?
- Ouais, je sais pas pourquoi, sur le moment ça m’a semblé marrant. Le pire c’est que, pour être un vrai « blague panther », tu dois lever le poing après avoir dit ta vanne. Bah je peux te dire que tu te tiens debout, le poing en l’air dans le local cuisine d’une entreprise où tu postules, tu te sens un peu seul.
- Arrête de dire des conneries, lui dit Léonard en souriant.
- Je peux pas, ça m’est passé par la tête, j’étais obligé ». Sur ce, il leva le poing et s’exclama « Blague panthers ! ».
Bref nous rîmes et j’oubliai pour un moment que dans quelques heures je me retrouverai face à deux cent cinquante personnes bien réelles à gémir que j’aurais dû mourir à 27 ans. A la fin du repas, les Mama’s Mule allèrent se faire maquiller avant de partir sur le plateau se préparer pour leur passage, calé à 21h15. Je serrai la main de chacun des membres et quand j’arrivai à Jessy, ce dernier me dit :
- Bon bah salut.
J’étais chaud comme un gardon aussi n’hésitai-je pas deux secondes avant de lui répondre « Poil au cul ! »
Comme il me regardait l’air interloqué, je levai piteusement le poing et en guise de justification murmurait « Blague Panthers ».
- Mec », finit-il par dire « Y a des choses avec lesquelles on rigole et d’autres pas. Franchement, s’en prendre au physique et à ma pilosité, je trouve ça très, très moyen.
- Mais non, c’est pas ce que je voulais…», commençai-je.
- Blague Panthers !

mardi 31 janvier 2012

Taratata 6: "Ouais j'ai rencontré Chris au catering"

Bon finalement, toutes les découvertes furent passées et Mika nous demanda ce qu’on souhaitait faire : regarder les autres artistes ou retourner dans notre loge.
-En fait, nous on va rentrer chez nous », dit Léo. « On reviendra en fin d’après-midi si c’est possible.
Je me tournai vers lui, extrêmement peiné : il ne restait pas toute la journée ? Moi qui m’imaginais déjà qu’on allait passer notre après-midi à rire, à pleurer et à chanter « Wicked Game » en chœur.
-Vous faites quoi vous ? », nous demanda-t-il à Christine et à moi.
-Bah moi faut que je m’entraîne un peu donc je vais retourner dans les loges.
-Moi, je vais regarder les répètes», fit Christine .
-Bon bah nous on reviendra vers 18h je pense. A plus ! » Et déjà, il n’était plus qu’un point à l’horizon.
En totale cohérence avec nous-mêmes, Christine resta sur le plateau pour voir la suite des répétitions tandis que je suivais Mika jusqu’aux loges.
Comme je ne voulais pas déranger le groupe qui occupait la pièce d’à côté, je demandai si je pouvais jouer ailleurs et on m’indiqua une grande salle presque entièrement vide, occupée uniquement par deux grands canapés noirs. Je m’escrimai un bon moment sur ma chanson, ne parvenant toujours pas à la jouer à la perfection. Aussi, en désespoir de cause, posai-je ma guitare et m’allongeai-je sur l’un des canapés. Mais cette fourniture de salon était trop courte et mes jambes dépassaient, l’accoudoir me sciant les mollets. Qui plus est, il y avait un bâtiment en vis-à-vis et un mec fumait sa clope en me regardant, ce qui me déconcentrait un peu. Je retournai donc dans ma loge et me réussissait, à m’endormir dans le fauteuil en osier. Je rêvai de publics enthousiastes, de prestations brillantes et d’interviews durant lesquelles je me montrais extrêmement spirituel.
C’est un léger tapotis sur la porte qui me réveilla.
- C’est ouvert », fis-je, la voix pâteuse. Christine passa la tête par la porte et me demanda si j’étais réveillé.
- Ouais, ouais, carrément. » fis-je « Je répétais. »
Elle jeta un regard qui en disait long sur la guitare qui était rangée dans son étui.
- La voix. Je m’entraînais la voix », tentai-je piteusement de me justifier. Gentiment, ma manageuse changea de sujet de conversation.
- Le catering est ouvert.
- Le quoi ?
- Le catering. » Christine attendit un moment que deux neurones veuillent bien se connecter dans mon cerveau, mais voyant que ça tardait à venir, réduisit l’information à sa plus simple expression. « Le déjeuner. On peut manger. »
- Ah ! la bouffe ! » dis-je pour montrer que, ce coup là, j’avais bien saisi.
- Voilà, la bouffe.
Cinq minutes plus tard, on arrivait dans le réfectoire. Et force était de constater qu’il y avait de quoi faire. Malheureusement, stress et gastronomie ne font apparemment pas bon ménage : aussi me contentai-je de placer dans mon assiette quelques crudités et un peu de riz cantonais que je picorais ensuite comme une adolescente en plein chagrin d’amour.
- C’est pas Chris Isaak ?
Christine me tira de la torpeur dans laquelle j’étais plongé.
- Où ça ! Où ça ! », fis-je comme un chasseur auquel on vient de signifier la présence dans les environs d’un couple de grives à calotte rousse.
- Ce n’est pas lui, là ?
Au début je ne parvenais pas à faire coller le concept de Chris Isaak avec cette personne qui portait un jean, des baskets et un sweat à capuche. Mais bon, la coupe de cheveux et le bronzage californien ne laissaient guère de place au doute. On ne fit qu’entrapercevoir son visage vu qu’il s’installa dos à nous.
- Il a pas vieilli », fis-je.
- Oui, en même temps, on ne voit que sa nuque », fit remarquer Christine.
- Bah je trouve qu’il a pas vieilli de la nuque.

vendredi 27 janvier 2012

Taratata 5 : Des zicos qui envoient du bois

Ainsi installé, un autre mec prit ma guitare (je vous ai déjà parlé d’Excalibur ? Ah bon) et l’accorda à l’oreille. Il me la rendit et, sceptique, je vérifiai l’accordage. Bah il était parfait. J’étais un peu dégoûté parce que moi, même avec l’assistance technologique d’un accordeur, je n’arrive parfois pas à mes fins. On me demanda de jouer un peu de guitare, puis de chanter, puis de faire les deux ensemble, ce que dans ma grande mansuétude je consentis à faire.
- Bon, tu vas jouer ta chanson », me dit la dame au casque. « Je compte jusqu’à trois et tu démarres. »
Elle ne mentit pas, compta jusqu’à trois et je mis au boulot. Deux minutes trente plus tard, la dame me dit que c’était parfait. Elle ajouta que pendant l’émission elle ne serait pas là pour compter.
- Alors dès que Nagui a fini de te présenter et que les gens commencent à applaudir, tu pars. T’attends pas que les applaudissements s’arrêtent parce que ça peut durer une plombe. T’as compris ?
- Je crois, oui.
- Applaudissements, tu pars. Ok ?
- Ok.
- Ok. Bah si c’est bon pour toi, c’est bon pour nous.
Je redescendis les marches du destin et allai m’asseoir à côté de Christine et de Léo pour voir les balances des autres « découvertes ». D’ailleurs ce mot, « découvertes », était un peu trompeur me concernant vu que je n’étais pas de toute première fraîcheur. J’approchais dangereusement des rivages de la vieillesse : bientôt ce serait le grand saut, le grand inconnu, la nuit totale, la rencontre avec l’implacable faucheuse, je franchirai l’Achéron pour rejoindre l’Hadès sur le zodiaque de Charon… Bref, j’avais 31 ans. Le second groupe passa et c’était bien.
- Mama’s Mule ? C’est qui Mama’s Mule ?
Léo se leva en ne trahissant aucun signe de fébrilité. C’est aussi avec une assurance désarmante qu’il répondit « C’est nous ». Accompagné de son groupe, il grimpa les marches de l’escalier et commença à s’installer. Bon, ça mit un peu plus de temps qu’avec moi vu qu’ils étaient quatre mais au bout d’un moment ils furent en état de marche et après avoir compté jusqu’à trois, ils commencèrent à jouer. Au milieu de la chanson, je me tournai vers Christine :
- Ils assurent bien hein ?
- Oui, vraiment.
Ça groovait même un max aurait-pu dire le doubleur français d’Eddy Murphy. Et les zicos envoyaient du bois comme l’aurait écrit un internaute sur le forum de Zikinf. Le rappeur avait un sacré flow et la section rythmique était ajustée au millimètre. Quant à Léo, il pianotait avec dextérité comme s’il était en jogging dans son salon, se permettant même quelques petites figures, genre passement de bras.
Finalement, le Mama’s mule posse redescendit et Léo me demanda comment j’avais trouvé leur prestation. Je pris un air détaché et répondit « Ouais, c’était pas mal ». En fait j’étais dégoûté : tout seul avec guitare, j’allais pas vraiment faire le poids. J’avais un gros déficit au niveau du groove.

jeudi 26 janvier 2012

Taratata 4: Zombies in a Blue hotel

Léo nous fit entrer dans SA loge et nous présenta son crew : Jessy le batteur, Sylvain le bassiste et Mamad, le rappeur. Nous étions en train de nous adonner à un franc serrage de pognes lorsque Mika battit le rappel des troupes.
Nous ressortîmes donc de la piscine pour regagner le bâtiment principal en repassant par les cases crachin et vigiles. Avant de nous rendre sur le plateau, nous défilâmes devant la loge des artistes établis. Le souffle coupé, je fus contraint de m’arrêter.
- Y a Chris Isaak ?
- Oui, me répondit Christine. Je ne t’ai pas donné le déroulé de l’émission ? Il fait un duo avec Emilie Simon.
- Chris et Emilie ?, fis-je étonné. » J’avais le droit d’appeler les stars par leur prénom, j’avais une pancarte plastifiée sur la porte de ma loge. « Ils chantent quelle chanson ? »
- Blue hotel.
Blue mother fuckin hotel on a motherfuckin’ lonely highway ! J’adorais cette chanson. Bon d’accord, tout le monde adore cette chanson mais enfin quand même : passer juste après ! Ça me mettait une sacrée pression. J’avais beau aimer ma chanson (je suis généralement fan de moi), c’était quand même « Blue hotel » quoi.
Je me retournai vers Léo et lui demandai après qui il passait. Il m’adressa un regard noir et pointa du doigt une porte sur laquelle était inscrit « The Cranberries ».
- Putain ! Ils sont encore vivants eux ?
- Apparemment.
- « What’s in your head/In your head/ Zombie », commençai-je à fredonner sans penser à mal mais devant la tête que fit Léo je compris qu’il valait mieux que je m’arrête.
Mika poussa une porte qui débouchait sur un escalier aux marches en fer assez impressionnant. D’en haut on apercevait déjà le plateau, enfin la moitié vu qu’un grand rideau en cachait l’autre. Je sentis mon estomac se nouer : on n’avait pas affaire au studio d’une émission de Direct 8. Là, c’était the real thing. Partout des caisses sur roulettes, des câbles, des projecteurs, des instruments, des gens qui bougeaient dans tous les sens. La tête me tournait un peu. Je ne sais pas si vous avez regardé l’émission récemment mais le plateau a changé depuis quelque temps. Maintenant il y a un grand escalier au fond et les découvertes jouent en haut. Bref, j’eus soudain l’impression d’être au pied d’un temple maya sur l’hôtel duquel j’allais être sacrifié en l’honneur d’un dieu particulièrement cruel.
- C’est qui Folks ?
Une dame avec un casque réunissant oreillette et micro s’était approchée de nous.
- Euh c’est moi », fis-je tel un caniche un peu craintif qui aurait été doué de parole.
- Ok, salut. Tu vas faire la balance en premier vu que tu passes en dernier.
Si la logique de cette remarque m’échappait, je comprenais néanmoins qu’il ne s’agissait pas d’une bonne nouvelle. J’aurais préféré passer le plus tôt possible, rentrer chez moi, me mater un épisode de Thalassa sur France 3 Replay et aller me coucher en écoutant Rammstein pour me détendre. Mais non, je passais en dernier.
- Ça veut dire vers quelle heure à peu près ? » osai-je demander.
- Je sais pas, vers 23h15/23h30…
Ok. Petit calcul : 23h15 -10h ça nous donnait du 13h 15. 13h15 à tourner en rond comme un hamster dans sa cage. Ça sentait l’ulcère. Mais bon, je n’allais quand même pas me plaindre, c’était une sacrée chance et j’étais bien décidé à ne pas la laisser passer. Eye of the tiger style.
C’est aussi d’un pas franc que j’abordais l’ascension des marches de l’escalier aztèque. Une fois arrivé en haut, je me retournai, embrassai du regard la totalité du studio et sentis ma volonté défaillir. Ça n’allait pas le faire putain, c’était trop grand !
- Y a combien de personnes dans le public ? », demandai-je à un technicien qui très aimablement m’apportait un tabouret de bar pour que je puisse poser mon fessier d’amateur dessus.
- 250 environ.
25 fois mon public habituel quoi. Une progression un peu brutale. Il était clair que je n’étais plus à la MJC Pierre Bachelet de Chaville. En plus, généralement, lors de mes concerts je pouvais quasiment faire l’appel, vu qu’il y avait principalement mes potes. Les seuls visages familiers dans cette foule hostile seraient ceux de Christine et de Léo.
Je m’installai sur le tabouret et là je dois faire une mise au point. Je déteste jouer sur un tabouret de bar. Déjà dans une salle normale ça me fait flipper parce que j’ai toujours l’impression que je vais me viander mais là il fallait rajouter le dénivelé cliffhangerien de l’escalier. Aussi, lorsque le technicien me demanda si j’étais à l’aise je lui répondis « Je pourrais pas avoir une chaise normale ? » Très gentiment, il me proposa un siège de batterie, je lui répondis banco.

mercredi 25 janvier 2012

Taratata 3 : MA loge

Une sueur froide coula le long de mon polo. Je me dis alors, « calme-toi, tu n’en as pas de rechange ». J’ajoutai également, toujours pour moi-même : « Ne t’inquiète pas, tout le monde va être gentil avec toi. ». C’est à ce moment que je pris conscience du regard du videur. J’eus l’impression d’être une blatte, aussi déguerpis-je avec mon bracelet qui pendouillait dangereusement le long de mon bras moite.
On était plus ou moins en train de se demander quelle allait être la suite des événements quand une jeune fille portant un pull rose pétant et un blouson encore plus rose que son pull nous demanda si nous étions Folks. « Folks, c’est moi » fis-je, rétablissant la vérité historique dans un sursaut d’orgueil complètement déplacé. La fille en rose opina du chef et raya un nom sur une liste.
« Y a déjà des membres des autres groupes qui sont là. Je vais vous montrer vos loges ».
Plusieurs informations dans cette phrase. Tout d’abord il y avait plusieurs groupes amateurs comme moi (à supposer que je constitue un groupe à moi tout seul, point qui reste à éclaircir), ce qui était plutôt une bonne nouvelle vu que j’allais pouvoir faire connaissance avec d’autres musiciens. Mais j’avoue que les premiers mots qui s’imprimèrent en lettres de feu dans mon cerveau furent « Vos loges ». « NOS » loges putain ! Pas « VOTRE » loge à vous tous les pouilleux. Non ! Une loge pour chaque groupe !
On sortit du bâtiment principal sous un fourbe crachin et j’observais à la volée mes congénères. L’un d’entre eux avait les cheveux dressés à la verticale sur la tête, défiant les lois les plus élémentaires de la physique moderne. Sinon, ils avaient tous l’air plus ou moins normaux, pas forcément plus sapés que moi, ce qui me rassurait car j’avais peur de faire plouc dans mon jean trop neuf et mon polo dont les manches courtes étaient tellement serrées qu’elles réduisaient au strict minimum la circulation sanguine à partir du coude. On pénétra dans un bâtiment surveillé par deux grands et larges vigiles.
- On dirait une piscine », remarqua un musicien. Il n’avait pas tort, c’était tout carrelé de blanc et ça sentait l’eau de javel. Après avoir erré comme Thésée dans le dédale des couloirs avec Mika (la fille en rose) en guise de guide, on arriva devant nos loges. Là, le ravissement se poursuivit. Vous vous imaginiez que la production avait simplement punaisé sur la porte de ma loge une feuille A4 avec Folks imprimé dessus en typo Georgia ? Et bien vous avez raison, c’est exactement ce qu’elle avait fait mais, loin de se contenter de cela, elle avait plastifié la feuille ! Je ne sais pas pourquoi, mais plus que tout, cette plastification semblait légitimer ma place en général dans l’univers et en particulier dans le monde de la musique.
Mika ouvrit chacune des loges, la mienne en dernier. Bon je ne vais pas m’extasier pendant 107 ans mais force est de constater qu’ils avaient quand même mis à notre entière disposition une corbeille de fruits exotiques (bananes, mandarines…) et une boîte de biscuits variés. Il y avait aussi un grand écran plat accroché au mur. Pas de télécommande, mais l’attention était tout de même délicate.
- On se donne cinq minutes pour déposer les affaires et on va sur le plateau », nous informa Mika. Je m’assis sur le petit canap en simili rotin et Christine prit place dans le fauteuil en imitation osier.
- C’est super non ?
- Carrément », répondis-je. Et je le pensais. Il y avait même une coiffeuse avec des ampoules blanches entourant une glace, comme dans les films. Je n’allais sûrement pas m’en servir mais quand même, ça en jetait.
Les autres je ne sais pas, mais moi je n’ai pas besoin de cinq minutes pour poser un sac. Du coup, avec Christine, on erra un peu dans le couloir histoire de voir le nom des autres groupes. Il y en avait visiblement quatre, us included. Je regardai les noms : Mat hilde, Lolle et…mais non…dites moi que…mais enfin….what are the odds, man !!!!!!!! Mama’s Mule !!!
Bon là faut que je digresse un peu. Peut-être que le nom de Mama’s Mule ne vous dit rien (si c’est le cas c’est extrêmement mal) mais c’est un groupe qui réunit un rappeur et un multi-instrumentiste de talent, j’ai nommé Léonard. Or il se trouve que je joue dans une autre formation, Mayerling, dont le-dit Léo assurait précédemment les claviers.
- C’est pas vrai », fis-je, partagé entre la joie et la stupéfaction devant cet étrange coup de mère fortune. « Qu’est-ce qu’il fout là ? » J’ajoutai à l’attention de Christine qui se demandait les raisons du pourquoi « C’est le groupe de Léonard ! De Mayerling ! »
Du coup, je tapotai sur leur porte et quinze secondes après, cette dernière s’ouvrait, dévoilant un visage familier.
- François ? Mais qu’est-ce que tu fous là ? » fit Léo. Je lui expliquai la raison de ma présence : j’avais été sélectionné pour jouer une chanson dans les découvertes. Il me dit que lui aussi et on s’exclama en cœur que c’était quand même fou cette histoire. C’était un rien cool, on allait se marrer.

mardi 24 janvier 2012

Taratata 2ème épisode ou Ecouter Slayer porte de la chapelle, une expérience

Je m’emparai de ma guitare et sortis de la chambre à pas de fenec pour ne pas réveiller l’être aimé. Toujours dans la même logique, je m’exerçai sur ma chanson en bloquant les cordes avec la main droite et en murmurant les paroles comme un fidèle assidu psalmodiant son missel dans un lieu de culte. Mais le texte me posait problème. Le mantra négatif « Ça va pas passer, ça va pas passer » ne cessait de tourner dans ma tête comme si j’étais un motocycliste sur le périph’ s’interrogeant sur le bien fondé d’une stratégie consistant à doubler un trente tonnes par la droite dans un virage particulièrement serré. Bon, aux grands maux, les grands remèdes : j’allais simplifier tout ça. Après tout j’avais déjà enlevé un couplet, on n’en était plus à ça près. De toute façon, comme me l’avait fait remarquer Jean-Charles la veille quand je lui avais fait part de ma crainte de me planter : « T’inquiète, même si tu te vautres, je doute que quelqu’un dans le public connaisse suffisamment ton œuvre pour se lever en plein morceau et te dire de recommencer. ». C’était un peu vexant mais pas totalement faux vu que même mes potes semblaient ignorer l’existence de cette chanson (« Elle est sur l’album ? Ah bon. », certains osant même s’exclamer « Un album ? Première nouvelle ! »). En répétant quatre fois la même phrase, ça limitait un peu la portée sémantique de mon message mais je me sentais plus rassuré. C’est aussi légèrement soulagé que je quittai l’appartement habillé des vêtements que j’avais acheté la veille pour l’occasion.
Porte de la chapelle 8h30. J’avais bossé non loin, en bord de périphérique, quelques années auparavant et ça ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable architecturalement parlant. Là on aurait dit la banlieue du 7ème cercle de l’enfer qui aurait été victime d’un attentat. Partout, des mecs défonçaient le sol à coup de marteau piqueur. Je demandai à un passant ce qui se tramait et il me répondit laconiquement « Travaux ». Le bruit environnant commença à me peser un peu, aussi allai-je me réfugier pour les trois-quart d’heures à venir dans l’unique rade à proximité, « Le Celtique ». Je m’installai à une table, commandai un café et plaçai sur mes oreilles mon casque audio surdimensionné qui me donnait un air de tanche. Je me dis : « François, mets un truc qui donne la pêche, qui va te mettre la rage, qui va te donner envie d’en découdre ». Bah, vous ne le croirez pas mais la seule idée qui me vint fut d’écouter « Reign in Blood », un album de Slayer que j’avais acheté sans trop savoir pourquoi quelques jours auparavant en profitant des « bonnes affaires » d’Amazon. Je n’avais jamais écouté ce groupe, je m’étais dit que c’était l’occasion. Je portai le café à mes lèvres lorsque les premières « notes » de la chanson n°1 firent vibrer mes parois crâniennes. Je me jetai sur mon lecteur pour baisser le son de manière drastique. J’en profitai pour regarder quel était le nom du morceau qui m’avait agressé de la sorte. « Angel of death ». Sympa. Je regardais le nom des autres chansons et j’avoue que les titres donnaient tous plus envie les uns que les autres : allais-je opter pour « Necrophobic », pour « Altar of Sacrifice » ou encore pour le facétieux « Postmortem » ? Finalement, après avoir shufflé entre les morceaux, je sentis l’angoisse monter et la nécessité d’opter pour quelque chose de plus, disons, modéré. Du coup je mis « Nevermind » mais, après Slayer, ça ressemblait presque à du Abba. J’enlevai mon casque en désespoir de cause et fixai mon regard pendant une bonne demi-heure sur l’écran d’une télé où défilaient les résultats du Rapido. Un moment, je regardai par terre et je remarquai que le sol était recouvert d’emballage de sucres. Un peu comme si les mecs, dégoûtés de ne pouvoir plus jeter leurs mégots indoor, se défoulaient de la sorte. Finalement, Christine arriva. Je mentis éhontément au « Pas trop stressé ? » qu’elle m’adressa puis nous nous engageâmes dans une sorte de Camel Trophy urbain pour arriver jusqu’aux studios qui se trouvent non loin loin du métro mais qui nécessitent pour y parvenir à pied de marcher sur le bord d’une bretelle d’autoroute pendant un bon moment. Ça n’était pas facile de s’y retrouver dans les allées qui serpentaient entre les bâtiments. Aussi remerciai-je intérieurement Dieu de ne pas m’avoir abandonné seul dans ce dédale, ayant naturellement le sens de l’orientation de Stevie Wonder bourré. Finalement, on arriva à une porte devant laquelle était garée moult camions. Inscrites dessus : les lettres V.I.P. Une jeune fille surveillait les entrées et nous donna un bracelet dont je mis un bon moment à comprendre le fonctionnement. Une fois que j’eus réussi à l’accrocher, je me rendis compte que j’avais vu trop large, aussi voulus-je le resserrer. C’est alors que le mec de la sécu me dit :
« On peut pas l’enlever : c’est définitif ».

lundi 23 janvier 2012

Taratata Now ! ou Au coeur de Taratata : Episode premier

(Ne m'en voulez pas, mais nous allons procéder à un fastforward un peu brutal et quitter le studio de Jean-Paul pour nous propulser à la semaine dernière où quelque chose d'assez spécial m'est arrivé)


Bon, ça y est, je peux dire que j’ai fait Taratata. Un peu comme si j’avais fait le Vietnam. Le ‘nam pour les intimes. Petit déroulé des opérations.
Christine, ma manageuse, m’appelle mardi soir dernier :
- J’ai une bonne nouvelle.
Vu le ton de sa voix, l’info avait effectivement l’air d’être de qualité supérieure.
- Tu as été sélectionné pour jouer une chanson dans le cadre des découvertes de Taratata.
J’ai dû émettre un drôle de bruit, à mi-chemin entre la joie et l’effroi, quelque chose comme « yeurki ! ». J’étais en effet à la fois super content (des milliers de personnes voire plus allaient enfin remarquer mon exceptionnelle télégénie et s’ébaubir devant l’étendue de mon talent) et ravagé par ce que je ne saurai qualifier autrement que comme un état de profonde détresse intestinale.
- C’est super ! », développai-je quand le goût métallique de la peur commença à disparaître sur mon palais. Je m’enquis presto des conditions de mon passage.
- Nagui a choisi « To die at 27 ». Tu ne dois pas jouer plus de 2min30.
« To die at 27 ». En 2min30. OK. Même si ce choix révélait la valeur du jugement artistique de l’hôte de ces lieux, il posait quand même un certain nombre de problème :
1) La chanson était blindée d’arrangements que j’allais avoir du mal à restituer tout seul à la guitare.
2) Elle durait 4min30 dans la version d’origine. C’était un peu mon paranoid android à moi. Du coup, j’allais devoir la raboter de moitié. A part enlever les consonnes, je ne voyais pas trop comment j’allais faire.
3) Je n’avais pas joué ce p****n de morceau depuis son enregistrement il y a quasiment deux ans.
Je tentai de négocier : n’y avait-il pas la moindre possibilité de changer de chansons? Y en avait d’autres des biens ! « Electroshit », « A la maison », même une reprise d’ « On va faire tourner les serviettes » que ne savais-je !!! Je me vis opposer cette réponse qui, bien qu’énoncée par Christine, semblait édictée par le destin lui-même : « C’est Nagui qui a choisi, on ne discute pas. ».
Je raccrochai le téléphone en tremblotant, puis me dirigeai tel un figurant de Resident Evil vers l’aile ouest de notre appartement (la chambre quoi) et me saisis de ma guitare. La voir me remit du baume au cœur. Je venais de la recevoir en cadeau à Noël, ma copine, mon frère et mes parents ayant pété leur PEL pour pouvoir me l’offrir. Une Gibson J45 que j’appelais Excalibur. Magnifique, une preuve de l’existence de Dieu ou tout du moins de celle de luthiers extrêmement compétents. Je commençai à m’exercer sur la chanson dont j’avais au préalable imprimé les paroles. Etonnamment, je la jouais sans commettre aucune faute. J’étais un peu rassuré. Je me dis alors « On la refait mais condition tournage », du genre j’imagine deux cent cinquante personnes chauffées à bloc par des projecteurs de milliers de watts et des heures d’attente me regardant d’un œil mauvais du genre « Qui c’est ce mec qui retarde de deux minutes trente le passage de … (prière d’insérer le nom de votre artiste préféré) ». Bon et bien, dans ces conditions psychologiques artificielles, je ravageais le morceau, me plantant dans les paroles, m’interrompant à plusieurs reprises et tentant même une vibe totalement inappropriée à la fin de la chanson qui me faisait passer pour le fils caché de Lâam et d’Yves Duteil.
Je reposai la guitare au bout de quatre essais : mes interprétations s’étaient peu à peu améliorées mais force était de constater que je ne pouvais pas la jouer dans son intégralité sans commettre la moindre erreur. Doué d’une faculté sous-estimée par mon entourage, celle de remettre à demain ce que je peux éviter de faire le jour même, je reposai la guitare en me disant que la nuit m’apporterait talent.
Le lendemain, à peine rentré du boulot, je coupai la chanson à la hache (plus d’intro, plus de fin et un couplet en moins) et parvins à obtenir une version de deux minutes trente. Bon ça sonnait pas si mal que ça tout compte fait. Mais cette chanson semblait maudite : invariablement je commettais au moins une faute. Oh pas forcément une grosse, mais ça n’était quand même pas rassurant de ne pas être foutu d’interpréter la chose tout seul dans la quiétude de ma chambre quand le lendemain j’allais enregistrer « dans les conditions du live » dans un programme qui serait diffusé devant des centaines de milliers de personnes. « Bon on verra demain », me dis-je.
Christine m’avait donné rendez-vous à Porte de la Chapelle à 9h10 pétante, sachant qu’on devait être sur les lieux du tournage à 9h30. Comme d’ordinaire, je pris un peu de marge et me réveillai à 6h.

vendredi 13 janvier 2012

Albini Vs Gotainer : Surfer Youki

Jean-Paul portait beau avec son tee-shirt fido-dido et son jean sans poches arrière. Il nous accueillit très chaleureusement et nous proposa un café qu’il nous servit dans des bols avec des prénoms dessus en bleu genre bretonnant. J’héritai de Cécile et buvait silencieusement en observant les lieux : on se trouvait dans une cuisine pleine de bois et de carrelage qui donnait l’impression d’être au ski.
-Vous savez ce que vous voulez comme son ?
-Bah, on a ramené des disques comme tu m’avais conseillé.
-Ah bah faites voir ça », fit-il avec enthousiasme.
Je me souviens encore des albums : il y avait « Surfer Rosa » des Pixies, « In Utero » de Nirvana (Albini en force !) et « Too many days without thinking » de Swell pour le son des guitares électro-acoustiques.
-Pixies, connais pas, Nirvana, ouh c’est bruyant ça ! et…connais pas. Bon, on va aller écouter ça dans le studio.
La profondeur de son analyse du disque de Nirvana, malgré le ton enjoué sur lequel elle avait été énoncée, me donna des sueurs. Putain, Swell, u’il ne connaisse pas, pourquoi pas. Mais les Pixies ? Je tentai de me rassurer en m’accusant de snobisme : après tout, qu’est-ce que ça pouvait bien nous foutre qu’il ne connaisse pas Frank Black tant qu’il ne nous faisait pas sonner comme…Bernard Lavilliers. On retombait toujours sur le même os.
Ce qui est sûr c’est qu’il avait un bien beau studio, la table de mix me donnait l’impression d’être plongé dans un épisode de Star Trek et il y avait deux salles séparées par une vitre d’une bonne dizaine de centimètres de largeur. Partout, des instruments, surtout des guitares. Jean-Paul saisit au vol le regard langoureux que j’adressais à une électro-acoustique Gibson.
-Une J45 ! », fit-il en se frottant les mains. « Essaye-la si tu veux.
-Ah merci, c’est super sympa.
Je saisis l’instrument, grattait un accord et dans un premier temps, j’eus l’impression d’être complètement désaccordé. Cette guitare sonnait carrément plus grave que ma Takamine. Mais après vérification, non, l’accordage était correct : c’est juste qu’à côté ma propre guitare avait l’air d’un ukulélé. J’étais à la fois en extase et dégoûté de ne posséder ce joyau.
-Elle est super belle », avouai-je la mort dans l’âme.
-Ouais. Et bien tu ne vas pas le croire » fit-il avec un air triomphal « mais c’est avec elle que Richard Gotainer a enregistré la partie de guitare acoustique du « Youki ».
-Du « youki » ?
-Bah ouais ! Tu connais pas ? Attends, j’ai le vinyl.
Sous nos yeux effarés, il sorti un disque sur la pochette duquel on voyait Gotainer de dos, cul nu, marchant dans la montagne avec un bouclier massaï sur le bras.
-C’est « La planète des singles », une compil. J’ai égaré le disque original.
Il plaça la chose sur un tourne disque et nous entendîmes alors ce texte où assonances et allitérations se mêlaient pour plonger l’âme dans un profond voyage au cœur du sens :
« Il était où le gentil ti Youki/ Où il était le gentil ti toutou ? Il était où, hein, il était où ? Où il était le gentil ti Kiki ? ». Je posais la guitare sur son support, me sentant un peu souillé. A la fin de la chanson (j’avoue que j’ai un peu décroché au bout d’un moment et que je n’ai pas vraiment compris si le Youki appartenait à « son papy » ou à « sa mamie »), Adrien posa une question qui n’était pas complètement dénuée de sens :
-Y a pas de guitare acoustique sur ce morceau, si ?
Là, il aurait mieux fait de se taire car Jean-Paul le fusilla du regard genre « on va pas être pote ».
-Pas sur la version définitive. Mais il y en avait sur les prises témoins.

mardi 10 janvier 2012

David Hasselhoff Vs Bernard Lavilliers: l'éternelle bataille du poil et du muscle

Deux semaines plus tard on se retrouva donc chez Jean-Paul en banlieue est de Paris. Pour arriver chez lui, on avait dû se taper un bon bout du RER A jusqu’à la riante station du Parc de Saint-Maur avant de se cailler une demi heure sous un abribus qui abritait que dalle. Finalement on est monté dans le « Saint-Maur Bus » et là j’ai eu l’impression de tomber dans un vortex me ramenant tout droit quinze ans en arrière lorsqu’on prenait le car pour aller à la piscine en primaire et qu’on se battait, sans vraiment savoir pourquoi, pour avoir la place derrière le chauffeur. Il faisait moche. Je regardais les gouttes faire la course sur la vitre jusqu’à ce que Rodolphe me secoue.
-On y est.
On y était, ok. Mais restait à savoir où. Le nom de la station de bus était le bon, « square beaurepaire » un truc comme ça, ce qui témoignait de la nature assez particulière de l’humour des mecs de la voirie. Comment faire plus glauque que tous ces pavillons semblables alignés les uns à côté des autres, couleur rosée traversés de trace brunes. « La pluie », fit Adrien comme s’il avait bossé dans le bâtiment une bonne partie de sa vie.
-Bon. C’est quoi l’adresse ?
-Rue des Muguets, numéro 12 » fit Baptiste.
-Ok. T’as un plan ?
-Nan. Je voulais l’imprimer ce matin mais j’étais grave à la bourre, du coup j’ai pas pu.
-Ah », fis-je, déçu tel Hannibal de l’Agence tous risques à qui on aurait annoncé que le plan n’allait pas se dérouler sans accroc.
-Par contre, je suis con, on peut toujours appeler Jean-Paul pour qu’il nous indique le chemin. J’ai son numéro.
-Ah bah ouais, carrément.
Baptiste s’exécuta, sortant un portable surdimensionné qui aurait fait pâlir de jalousie Michael Douglas dans Wall-Street. « Me suis fait chourré le mien à Couronnes » nous expliqua-t-il pendant qu’il composait le numéro. La tonalité puis, au bout d’un moment, on entendit tous le message du répondeur de Jean-Paul vu que le téléphone de Baptiste n’était pas super bien réglé. « Salut c’est JP, je suis pas là – sûrement on the road again ! – mais laissez un message après le bip et je vous rappelle illico presto » puis la voix de Lavilliers prenait le dessus « On the road again, again ».. Putain ça faisait beaucoup : « JP », « illico presto » et le surplus de Lavilliers. La tête me tournait. Ce mec était visiblement un grand malade. Baptiste laissa un message lui demandant de le rappeler et en attendant on s’aventura un peu dans les rues pour voir si par hasard. Elles portaient toutes des noms de fleurs, ce qui était plutôt marrant vu qu’on aurait difficilement pu accorder à la commune le statut de ville fleurie. On était dans l’allée des Jacinthes quand on entendit le générique de K2000 résonner. Le portable de Baptiste.
« C’est la sonnerie par défaut, » se justifia-t-il comme si nous l’avions accusé de rendre un culte secret à David Hasselhoff.
-Jean-Paul ? Baptiste à l’appareil. Bien. Ouais bien. On est toujours sur le chemin ouais. Quoi ? « On the road again » ouais ahaha. Dis, on est descendu où tu m’as dit, « beaurepaire » ouais. Comment on fait après ?
JP lui donna les indications illico presto : prendre l’avenue des magnolias sur 100 mètres, puis tourner à la Sente des iris. La rue des muguets était la première sur la gauche.
Au numéro 12, la maison ressemblait étrangement à celle du 10 et du 14 qui semblaient elles-mêmes refléter celles du 13 et du 11. Seule petite nuance différenciatrice, le paillasson en forme de clé de sol témoignait de la présence d’un tempérament artistique dans les environs. La sonnerie fit dring, les pas de Jean-paul dans la maison poum poum, puis la clé qu’il tourna dans la serrure clic.
-Salut les amis ! Vous avez pas eu trop de mal à trouver ?

lundi 9 janvier 2012

On the road again: muscu et rock indé

Bah voilà ! Je me disais bien que la vivacité toute particulière de ce regard me disait quelque chose.
-Bon ok », fit-il, comme si subitement je faisais partie de la famille « mais tu ressors tout de suite. Je pourrais me faire virer.
-Virer ? Pourquoi ça ?
-Mec, t’as vu comment t’es sapé ?
Bah quoi ? Un fute en velour et un tee-shirt décathlon : quel mal y avait-il à cela ? Je ne cherchais pas percer le sens de ces propos obscurs et m’aventurait pour la première fois dans l’entrée de la flèche d’or. Sur la gauche un vestiaire sur lequel veillait une fashionista à l’air blasé. Bonjour ? Non ? Pas bonjour ? Tant pis. Je poussais la lourde porte vitrée et débarquait dans la salle. Je compris en un clin d’œil ce qu’avait voulu dire le videur : j’avais l’air à peu près autant à ma place parmi les fans de hip-hop qu’un militant anti-nucléaire au conseil d’administration d’Areva. Je remarquai immédiatement deux ou trois potes qui n’avaient pas vraiment l’air super à l’aise non plus. C’est avec soulagement qu’ils me virent arriver et leur annoncer qu’ils s’étaient trompés d’endroit.
Deux minutes après, on était de retour au Gambetta et les nouvelles recrues observaient l’endroit comme si on venait de leur apprendre que les murs étaient faits en guano. Cela aurait été supportable si l’artiste « plus connu sous le nom de Billy » ne s’était pas décidé à commencer sa prestation. Bon, non seulement il y avait la musique genre imitation d’Eagle Eye Sherry, ce qui est un comble. Mais il fallait rajouter à cela les paroles à portée politique qui balançait genre carrément sur la méchanceté des gens haineux. A ses côtés se trémoussaient les deux choristes telles deux tentatrices très distinguées de l’île de la séduction. Etonnamment, un spectateur cherchait à immortaliser le spectacle : il avait carrément installé une caméra sur un pied, juste en face de Billy, et jetait des regards noirs à quiconque faisait mine de vouloir passer devant l’objectif. Se sachant immortalisé sur la pellicule numérique, l’artiste, soucieux de paraître à son avantage, prenait les pauses faciales les plus extraordinaires qui aurait fait passer Joe Cocker pour un modèle de sobriété. Bref on se retrouva bien vite de nouveau dehors à fumer des clopes à la chaîne histoire de faire passer le temps qui était lui-même passé au bruineux.
-Au fait, j’ai un plan pour enregistrer », nous fit Baptiste pour combler un silence.
-Ah ouais ?
-Ouais. Avec l’ingé de Bernard Lavilliers », dit-il comme s’il venait de réussir un triple axel
-Tu déconnes ?
-Nan pourquoi ? » fit-il l’air légèrement froissé. « Il a pas fait que de la merde Lavilliers. Il a joué avec les Wailers et plein de pointures de Kingston.
-Ah c’est l’ingé de sa période reggae ?
-Euh…nan » avoua-t-il. « Bon, en fait, il était plutôt assistant. Sur On the road again.
-C’est un album ?
-Nan une chanson.
-Bien ?
-Nan.
Je méditai un coup : on avait donc un plan avec l’assistant de l’ingé son qui avait travaillé sur une chanson nase de Bernard Lavilliers. Tout ça méritait qu’on se donne le temps de la réflexion.
-Ok. On commence quand ?

jeudi 5 janvier 2012

Otis Preboist ou Paul Redding

Quand je descendis de la scène/estrade, il se dirigea vers moi et me serra la main en se présentant très sérieusement comme « Billy, artiste ». Je n’eus même pas le temps d’exprimer l’intensité de mon contentement qu’il grimpait sur la scène, claquait dans ses mains à l’attention de sa copine qui, se précipita pour lui apporter sa guitare. Il se brancha, tapota sur le micro et se mit à chanter : il me fit immédiatement penser à une sorte de Paul Préboist jeune qui se prendrait pour Otis Redding. Sitting on the dock of Saint-Nazaire quoi. Bon le massacre aurait pu s’arrêter là mais en plus, les paroles étaient en français. Que dire si ce n’est qu’il réussissait à placer SMS dans le texte de l’une de ses chansons et parvenait à faire rimer dans une autre les mots « amour » et « toujours ».
On sortit se soustraire aux élans poétiques de Billy et se fumer une clope par la même occasion. Je consultai ma montre : il était déjà 20h. Pourtant pas une des personnes que j’avais invitées n’était encore arrivé. C’est à ce moment que je vis Laurent et Arnaud, deux potes du Chaville Crew, tenter sans succès de passer la barrière patibulaire des vigiles de la flèche d’or.
-Eh les mecs ! » fis-je avec originalité.
Ils n’entendirent pas que je les appelai, d’une part parce que je n’ai pas trop la voix qui porte et aussi parce qu’ils étaient véritablement plongé en pleine discussions avec les mecs de la sécu. J’allais à leur rencontre et assistai à un bout de la conversation.
-Mais puisqu’on vous dit qu’on connaît le groupe qui joue !
-Quel groupe ?
-Mais Folks !
-Pas de Folks ici. Ce soir, c’est les West side niggaz.
Je parvins finalement à attirer l’attention d’Arnaud en lui tapotant sur l’épaule.
-Salut mec ! » s’exclama-t-il après s’être retourné. « Vous jouez pas là ?
-Salut Arnaud. Nan, juste à côté. Tu vois, c’est le bar au coin.
-Ah ok », fit-il visiblement déçu pour nous.
-Allez-y j’arrive tout de suite : je vais regarder à l’intérieur voir si les gens se sont pas plantés ».
A mon tour de me confronter à la montagne de chair portant un blouson « sécurité ».
-Bonjour », fis-je, puis comprenant que je pouvais attendre que mes dents tombent avant d’obtenir une réponse : « Je pourrais entrer ? C’est juste pour voir si des amis à moi se trouvent à l’intérieur.
Il me regarda des pieds à la tête puis lâcha :
-C’est complet.
Au même moment, son collègue laissait passer deux mecs sponsorisés par Tacchini.
-Et eux ?! », fis-je, révolté.
-C’est pas pareil.
-Pas pareil ? Ca veut dire quoi ?
-Bah ils peuvent rentrer.
-Mais si c’est complet ?!
-Bah c’est moins complet pour eux.
Comprenant que la rébellion ne risquait pas de porter ses fruits avec l’individu, je changeai radicalement de technique.
-Ca doit pas être facile tous les jours de faire la sécurité pour une salle comme ça.
-Pourquoi ça ?
-Je sais pas…on doit se sentir un peu seul nan ?
Bon ok, visiblement, je faisais fausse route : maintenant il me regardait comme si je lui avais proposé de lui faire une proposition salace. Je décidai de tenter le tout pour le tout.
-Putain mec, je te promets je rentre et aussitôt je sors, genre Flash Gordon. C’est juste que je fais un concert au Gambetta et…
-Au Gambetta ? » fit-il comme si j’avais enfin réussi à attirer son attention.
-Ouais au Gambetta.
-Ah, c’est cool ça ! Mon cousin est ingé là-bas.


(Pour écouter l'interview de Folks sur le mouv, vous pouvez allez )

Folks dans le Mouv' à 19h45. Youhou!

Ce soir, petite interview par Nico Prat et extrait de chanson du nouvel EP, "French songs",que vous pouvez acheter

mardi 3 janvier 2012

"Fier d'avoir ton love" bibé bibé bibé

Ce dernier informa le patron qu’effectivement, il y avait eu changement de programme mais qu’il était fort possible qu’il ait oublié de l’indiquer sur l’agenda. Après avoir raccroché le téléphone, le patron regarda Matthieu et lâcha comme à contrecœur : « ok, c’est bien vous qui jouez ce soir ». Rassurés, nous demandâmes si nous pouvions commencer à faire la balance.
-Nan faut attendre l’ingé.
-L’ingé ? Y a un ingé ?
-Bah ouais mec. T’es au Gambetta quand même !
On attendit donc. Longtemps. Très longtemps. Puis un grand gars baraque entra dans le bar sur les coups de 19h alors qu’on avait annoncé le concert pour 20h. Il discuta un bon quart d’heure avec le patron en buvant des cafés, puis il daigna s’intéresser à nous.
-Bon, on s’y met ? », demanda-t-il avec impatience réalisant une parfaite inversion des rôles sous nos yeux ébahis. Nous nous mîmes en place, branchant nos instruments, réglant la hauteur du micro, tapotant sur la batterie…
-On commence par la voix. Vas-y, chante un peu pour voir » me demanda-t-il. Je me mis à fredonner quelques paroles d’Ive been near the sun lorsqu’il m’interrompit.
-Chante avec ta vraie voix plutôt. Comme tu vas chanter tout à l’heure.
-Bah c’est comme ça que je chante.
Il me regarda comme si je me foutais de sa gueule et que franchement ça ne le faisait pas rire, jusqu’à ce qu’il se rende compte que je ne plaisantais pas.
-Sérieux ?
-Bah ouais.
-Vas-y rechante voir ?
Je m’exécutai, éprouvant la sinistre impression d’être considéré comme une bête de cirque genre femme à barbe ou plutôt l’inverse. Le mec éclata de rire.
-Excuse moi », fit-il finalement « mais franchement c’est trop fort ! Genre hélium et tout !
Je fis semblant de le prendre avec philosophie, mais à force d’entendre ce gros con ricaner à chaque fois que je poussai une note, l’irritation me gagna.
-Eh mec, tu peux arrêter de te marrer ? Ca commence à être un peu gavant, là.
Il s’arrêta de rire, un peu trop subitement.
-J’ai envie de rigoler, je rigole Ca lui pose un problème à Patrick Juvet ?
J’aurais bien eu envie de lui faire bouffer ses dents à coups de genoux, mais le mec était bien trop grand pour moi. Ca aurait été contre-nature, un peu comme si un mérou s’en était pris à un orque. Du coup, je me tus. Heureusement, on passa à la balance des instruments et je n’eus plus à supporter ses moqueries incessantes.
-Bon vous faites une chanson en entier, voir si ça le fait ?
Nous nous exécutâmes, interprétant « Count your hair », chanson déchirante dans laquelle j’exprimais entre autres mon angoisse à l’égard d’une alopécie galopante qui, je le sentais, me menaçait. Bon, l’ingé continua à se marrer et moi je continuai à faire semblant de m’en foutre tout en bouillonnant intérieurement.
Sur ce l’autre groupe arriva. Sauf que ça n’était pas l’autre groupe mais encore un autre, vu qu’apparemment les West side Niggaz n’étaient pas les seuls à avoir déclaré forfait (ce qui aurait peut-être dû nous mettre la puce à l’oreille). Bref, la suite c’était un mec qui se faisait appeler Billy mais qui avait une gueule de Jean-Pierre. Etrangement il portait un bandana jaune autour de la tête. Jean-Billy était accompagné, non pas d’une mais de deux choristes. Je crus comprendre que l’une d’entre elle était sa copine. Pendant qu’on remballait nos affaires pour leur laisser la place, ils se mirent tous les trois à faire des vocalises et ça ressemblait dangereusement à un jam des Poetic lovers.

(Petite interview de Folks sur le Mouv' à 19h45 demain jeudi 05 + extrait d'une chanson du futur EP commandable )

dimanche 1 janvier 2012

Wessside? Mos def!

-Y en a plusieurs ?
-Non, non, on a privatisé le bar pour vous.
-Ah, c’est gent…
-Bien sûr qu’il y en a plusieurs ! », il se saisit d’un agenda grand format, l’ouvrit à la page du jour. Au crayon à papier, des noms de groupes, des numéros de téléphone, des dessins dont je refusais de comprendre la signification.
-Tu fais partie des « West side Niggaz » ?
-Des quoi ?
-Tu fais du rap oui ou merde ?
Avec ma petite gueule de bourge et ma Takamine dans le dos, cette question faisait honneur à ses qualités de physionomiste.
-Nan, je fais partie de Folks.
-Folks ? Je vois pas de Folks. T’es sûr que c’est aujourd’hui ?
-Bah oui.
-Bah nan, désolé. Aujourd’hui c’est les « West side Niggaz » et un groupe de funk, Mangoreva ou quelque chose comme ça.
Putain, je m’étais cogné l’intégralité de la ligne 3 et le trajet depuis la place gambetta à patte pour apprendre que Matthieu s’était planté sur la date ? Je l’appelai courroucé et tombai sur son répondeur.
-Répondeur », fis-je au barman qui avait l’air de se demander ce que je foutais encore là.
Devant l’insistance de son regard, je fit preuve d’initiative.
-Je vais prendre un café.
Il me regarda encore plus fixement si possible, puis poussa un profond soupir en se dirigeant vers le percolateur. Physionomiste ET commerçant donc. Il était en train de laver une tasse avec l’index sous le jet étique de son robinet, lorsque mon téléphone sonna ;
-Ouais ?
-C’est Matthieu. T’as essayé de m’appeler ? J’étais dans le métro.
-Ouais. Soit on a changé de nom et on s’appelle les West side niggaz soit tu t’es planté de date.
-Les quoi ? Ah ouais le groupe de rap ! T’inquiète, ils ont annulé. C’est justement comme ça que j’ai eu la date.
-Ouais bah t’arrives bientôt ? » fis-je en baissant la voix « parce que le tavernier a pas l’air au courant »
Il m’assura qu’il serait là dans les toutes prochaines minutes et mit un terme à notre entretien téléphonique. Histoire de faire la conversation, j’expliquai au proprio ma confusion initiale entre son bar et la flèche d’or. Erreur fatale.
-La flèche d’or c’est de la merde.
-euh…ok…
-Les bons groupes, c’est ici qu’ils viennent !
-D’accord, je vous crois.
-Genre la Mano negra. Ils sont passés à la Flèche d’or ? Bah nan. Par contre ils ont joué ici, au Gambetta.
Il s’arrêta pour réfléchir un instant.
-En fait, si, ils sont passés à la flèche d’or, mais plus tard. Ils faisaient déjà de la merde.
Sur ce, Matthieu arriva accompagné de Rodolphe. Ils avaient dû se croiser sur le chemin. Matthieu me salua en faisant un W avec ses doigts. Rodolphe me demanda si j’avais vu qu’il y avait la Flèche d’or juste à côté. Ouais, j’avais vu. Mon ami promena autour de lui un regard désabusé. Il laissa tomber un « sympa » chargé en ironie. Baptiste et Adrien arrivèrent peu après.
-Putain y a la flèche à côté !
Je leur fis signe de baisser le volume en tentant de leur expliquer la situation : le proprio était un fan de la Mano première période et considérait la flèche d’or comme le septième cercle de l’enfer. S’agissait d’être discret. Matthieu était quant à lui en train d’expliquer la situation à Thénardier.
-Moi c’est pas ce qu’il y a marqué », insistait ce dernier. « Regarde, c’est les West side ni…
-Nan mais je vois bien ! » Matthieu commençait à s’énerver « Seulement ils viendront pas. Quand je suis passé la dernière fois, le patron m’a dit…
-Le patron c’est moi.
-Bah c’était le sous-patron alors…bref il m’a dit que le groupe de rap pouvait pas jouer et que du coup il nous laissait la place.
Cette explication ne sembla pas réussir à percer la couche de gras qui entourait le cortex du proprio.
-Moi, je vois les west side…
-Bon. On peut pas appeler votre employé pour lui demander ?
So we did.