mercredi 26 octobre 2011

Babibol et Yaourt: de l'importance des produits laitiers

Il n’avait pas menti, il habitait bien à dix minutes et possédait bien une maison pourvue d’une cave. Nous nous y engouffrâmes sans passer par la case « parents ». La pièce était bourrée ras la gueule d’instruments : une batterie, deux trois guitare, des amplis de différentes tailles, des congas… Rodolphe m’expliqua que, bien souvent, les gars avec lesquels il jouait laissaient leurs instruments sur place pour éviter d’avoir à se les taper dans les transports.
-Ils s’entraînent comment alors ?
-Voilà, t’as mis le doigt sur le problème.
Il sortit une guitare acoustique d’une housse recouverte de poussière.
-C’est une Takanime.
-Une Takamine tu veux dire.
-Nan, nan, t’as bien entendu, une Takanime. C’est une copie qui vient d’Asie. Un peu comme le Babibol chez Leader Price.
-Babibol ?
-Ouais, le fromage.
Il me passa la guitare et me fit signe de m’asseoir dans un fauteuil qui avait connu des jours meilleurs. Bon, c’était le moment de vérité. Si la chanson ne lui plaisait pas, j’aurais le droit à un « c’est sympa » et on passerait à autre chose. Or je ne sais pas si je l’ai déjà dit mais j’avais bien envie de jouer avec ce mec. Il assurait. Je lui avais dit vrai : il y avait une chanson dont j’était plutôt satisfait. Seul problème, je n’avais pas de texte et me contentait de placer un ou deux mots identifiables à des endroits stratégiques (souvent à la fin des phrases), yaourtant le reste. Ca donnait un truc comme : « gnafil love moue tonight/ stepliz youcan allright ». Je pris la température en lui demandant s’il parlait anglais.
-Bah un peu. « I speak a few » quoi, comme tout le monde.
Rassuré je me lançais. Et hop couplet, tout en retenu, genre mystérieux, trois accords mais bien placés. Refrain en vue, « over your eyyyyyes » (à qui appartenait ces yeux et par quoi étaient-ils recouverts ? Enigme). Puis couplet refrain pont refrain.
-Elle s’appelle comment ? », me demanda-t-il lorsque ma voix cessa de rebondir sur les murs en béton.
-« Over your eyes » », dis-je aplomb, taisant le fait que le titre avait deux minutes d’âge.
-Bah franchement, elle tabasse.
Une vague de chaleur me parcourut des pieds à la tête. « Reconnaissance », j’écris ton nom en lettres capitales. Ca me faisait vraiment plaisir, comme un chien auquel on gratte le ventre avec tendresse. Avant ça, mon seul public c’était ma mère. Quand je trouvais une chanson, j’allais la voir et je la lui jouais dans la cuisine. Si elle en pensait du bien, elle disait généralement « Elle a quelque chose celle là ». Si au contraire, ça ne lui parlait pas plus que ça, elle s’en sortait avec un « Faut que je la réécoute ». La plupart du temps, elle ne faisait que confirmer ce que je pensais de mes morceaux. Difficile de tromper une fan de Nirvana et de Paolo Conte.
-Ah ouais t’aimes bien ?
-Carrément mec. Faut qu’on joue ensemble y a pas de doute. Enfin, si ça te dit.
-Bah écoute », fis-je en prenant l’air de songer à cette éventualité pour la première fois. « Ouais, on pourrait essayer.

1 commentaire:

  1. Ah les produits laitiers... leurs sensations pures, leur trip-hop pour bobos et leurs pubs à connotation laiteuse... toute une époque.

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