lundi 24 octobre 2011

Le deuxième concert part 10 ou "Le requin passe à l'attaque"

J’eus comme une sorte d’éclair de lucidité et je devinai que cet instant allait s’avérer crucial dans ma vie de musicien. Je voulais jouer avec ce mec, il assurait. Mais comment le convaincre ? Etre franc comportait des risques. En même temps il allait bien falloir que je lui dise la vérité à un moment ou à un autre. La seule alternative possible était celle des lâches, des pleutres, des couards. Elle consistait à simuler l’enthousiasme sans aucune considération pour le concept de franchise. Je n’hésitai pas un seul instant.
-Wouahoh mec ! C’était carrément bien ! La chanson sur le shit et tout… Waouhaoh !
-Te fatigue pas, c’était à chier.
-Oh mec ! Nan, carrément pas ! On peut pas dire ça…
-Si si on peut et on va pas se priver. Putain en plus j’étais juste à côté des cuivres, j’ai bien morflé.
-Bah, c’est sûr qu’il y a des trucs à améliorer mais enfin quand même, 116 voix quoi !
-Mouais…
-Bon après je t’ai dit le reggae c’est pas trop ma came. Mais « dans le genre », c’est loin d’être ridicule.
Je nageais autour de ma proie en cercles concentriques : j’étais peu à peu passé de « génial » à « loin d’être ridicule » ; encore deux minutes et j’évoquerais pernicieusement la possibilité pour Rodolphe de se consacrer à une aventure artistique qui lui conviendrait mieux. Je m’apprêtais à passer à l’attaque lorsqu’il me coupa l’herbe sous le pied.
-Tu veux pas monter un groupe toi ?
-Monter un groupe ? Ouais, c’est pas con comme idée. Faudrait que je réfléchisse.
-Bon, tu me diras. Tu veux venir boire un coup avec nous ?
La perspective de trinquer avec le didgéridiste plein de locks me donnant des hauts le cœur, je déclinai poliment l’invitation. Si nous avions été cinq ans plus tard, nous aurions échangé nos numéros de portable. Mais comme on était en plein en 1996 et qu’on n’était pas suffisamment cons pour avoir des tatoos, on se communiqua nos fixes.
Résultat, deux semaines plus tard, alors que je ne l’avais pas croisé depuis le concert, Rodolphe téléphona chez moi. Comme on était un peu en pointe niveau technologie, nous disposions d’un téléphone sans fil que ma mère m’apporta dans ma chambre où j’étais en train de lire un roman de Stephen K… de Baudelaire.
-Ouais ?
-C’est Rodolphe.
-Salut ça va ?
-Ca va et toi ?
-Ouais ça va.
-Y a une soirée chez ce mec, Fred, qu’habite près de chez moi samedi. Ca te tente ? On pourrait rediscuter de cette histoire de groupe.
J’opinai verbalement et le week-end venu, je me rendis dans le pavillon du dit Fred, sur les hauteurs de Sèvres. J’y retrouvai Rodolphe mais aussi Vincent et d’autres amis comme Julien et Laurent avec lesquelles il faisait bon rire. Ce que nous fîmes. Nous bûmes également un peu. Et nous reparlâmes, Rodolphe et moi, de cette idée de procéder à la création d’une entité musicale totalement novatrice, sous la forme révolutionnaire d’un trio guitare basse batterie.
-T’aurais des chansons à me montrer ? », me demanda-t-il.
-J’en ai une dont je suis assez content ouais…
-Il nous faudrait une guitare quoi », fit-il en regardant autour de lui. « Tu sais quoi ? J’habite à dix minutes. On peut aller vite fait chez moi et tu me la montres dans ma cave »
Je le regardai d’un air soupçonneux, puis compris qu’il me parlait de la chanson.
-Ah… euh, ouais… carrément on peut faire ça.
-Ok, on y va.

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