mercredi 5 octobre 2011

Le deuxième concert part 2 ou "Est-il rédhibitoire d'aimer Joe Satriani?"

Quand Réticulum mit un terme à son activité, je me retrouvai seul. Dans le froid. A attendre que ma mère vienne me chercher en AX. Je lui avais en effet demandé assistance pour transporter le synthé que les autres avaient, de manière incompréhensible, accepter de me céder pour la somme modique de cent francs chacun (ouais des francs). A ma génitrice qui me demandait comment j’avais obtenu la chose, je me montrai extrêmement laconique, évoquant un ami fictif qui pour d’obscures raisons m’avait laissé l’instrument en dépôt.
C’est à peu près à cette époque que je me mis à réaliser mes premiers enregistrements. Ne possédant pour tout matériel que deux lecteurs cassettes qui faisaient également office d’enregistreurs, mes productions étaient quelque peu rudimentaires : j’enregistrais guitare et chant sur un des lecteurs, puis je passai la bande et enregistrai une seconde guitare à l’aide du second lecteur et ainsi de suite… Bon à chaque étape, il y avait du souffle en plus et au final, on avait l’impression que je jouais à côté d’un sèche cheveux géant mais j’étais quand même super fier. Je me familiarisais également avec le synthétiseur. Je me disais que c’était l’occasion de mettre à profit les dix années de cours de piano hebdomadaires qui m’avaient été iniquement imposés par le parentariat. Du coup je foutais des nappes de cordes synthétiques un peu partout dans mes chansons qui les faisaient sonner comme le fruit d’un improbable croisement entre Neil Young et Kraftwerk... Bon ok, plutôt entre Yves Duteil et Vangelis.
C’est également à cette période que je commençai à développer une sorte d’obsession pour la notion d’ « oreille absolue ». Pour les novices, on dit de quelqu’un qu’il a l’oreille relative quand il est capable, lorsqu’on lui donne une note de référence, de dire le nom des autres notes d’une mélodie. L’oreille absolue, c’est le degré au-dessus : la personne qui en est pourvue n’a pas besoin de note de référence pour donner le nom des autres notes. Il y a bien sûr une troisième possibilité qui consiste à être incapable de donner le nom d’une note même lorsqu’on vous a indiqué une note de référence. On appelle ça avoir une oreille de merde. C’est mon cas.
Pour ma défense, j’exagère un peu. Il n’y a en fait pas vraiment de rapport entre le fait de savoir reconnaître le nom des notes et les qualités musicales d’un artiste. J’ai par exemple lu que Frank Black, Black Francis, enfin le leader des Pixies, n’était pas foutu de deviner le nom d’une note, même si on lui en indiquait douze autres. Il sait reproduire, en tâtonnant un peu, ce qu’il entend dans sa tête et ça lui suffit amplement. Par contre, mon prof de guitare, qui avait une queue de cheval dégueulasse et était fan de Joe Satriani, possédait l’oreille absolue. Et bien devinez qui a écrit « Where is my mind »?
Enfin il ne faut pas caricaturer non plus. Ca peut être quand même vachement pratique de pouvoir identifier comme ça, en un éclair, à quelle note on a affaire, ne serait-ce que pour pouvoir improviser avec plus de facilité. Ce qui me rendait totalement fou c’était que mon frère, qui ne faisait pas de musique possédait cette salope d’oreille absolue ! Je jouais au synthé une ligne et il chantait les notes ! Il m’expliqua un jour qu’il entendait carrément le nom des notes, genre je jouais un la, il entendait « laaaa », un si, « siiii ».
-Sérieux t’entends pas ? « Siiiiii » », faisait-il de manière extrêmement irritante.
A compter de ce jour, je le regardai différemment, un peu comme s’il m’avait dit qu’il entendait les voix de personnes défuntes (« I see dead people !!! »).

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