jeudi 22 décembre 2011

Le Gambetta ou la Flèche d'or du pauvre

-Pas le samedi mec !
-Pourquoi pas le samedi ?
-Bah la veille, c’est vendredi !
-Jusqu’à là je te suis.
-Bah le vendredi, c’est la fin de la semaine !
-Ok…
-Du coup, faut fêter ça !
D’accord, donc le samedi non, le dimanche non plus et personnellement je ne me voyais pas répéter cinq heures après le taf un jour de semaine. Dans un élan d’amour inédit, j’acceptais de déplacer la répète à 15h, toujours le dimanche, c’est mon dernier mot Jean-Pierre.
Assez vite, il fallut bien s’avouer que nous n’étions pas entièrement sur la même longueur d’onde au sein du groupe. Connement nous étions quatre. Or quatre, c’est deux fois deux. Ce que je veux dire par là, c’est que deux camps s’opposaient et comme ils comptaient le même nombre de personnes, immobilisme, perte de temps et frustration s’ensuivaient. Deux gangs s’opposaient au sein de Folks comme les Crips et les Bloods à Los Angeles. Le premier constitué de Baptiste et d’Adrien était partisan d’une idéologie privilégiant le groove, la vibe et autre feeling sur l’exactitude. Le second regroupant Rodolphe et moi était adepte d’une conception de la précision qui parfois, avouons le, confinait à la rigidité. Cette opposition aurait pu, par un mouvement dialectique, déboucher sur une musique qualitativement supérieure à la somme de ses parties. Mais non. Nous nous observions les uns les autres aux quatre coins du studio, le poteau au milieu, comme quatre survivants enfermés depuis trop longtemps dans une même pièce cherchant à deviner le moment propice pour dévorer l’autre. Bon j’exagère, mais il y avait du gravier dans les roulements.
Toutefois, nous parvînmes malgré nos dissensions à mettre au point suffisamment de chansons pour donner des concerts. Nous jouâmes dans des endroits possédant des noms brillant d’originalité comme le « Café de Paris », le « café de la plage » ou « La choppe ». Un jour, notre manager de l’époque, Matthieu, un bon ami, nous trouva une date au Gambetta, rue de Bagnolet. Le jour J, je me pointai, comme à mon habitude, un peu en avance et découvris un endroit de taille plus que respectable. Revigoré par la perspective de jouer dans une salle enfin digne de ce nom, je vérifiai par acquis de conscience l’adresse que j’avais notée sur un post-it en regardant sur Mappy. Ah merde, c’était pas ça. En regardant mieux, il s’avérait que j’étais devant la Flèche d’or. Le Gambetta c’était juste à côté. Je réalisai une translation de quelques mètres, passant en trente secondes de Beverly Hills au Queens. Le Gambetta, certains disent que c’est un poème. Je dis ok mais alors un poème écrit par un dyslexique atteint de la maladie de Parkinson. Pour le dire gentiment, c’est le genre d’endroit à être construit sur un cimetière indien : des canapés défoncés, des chiottes sur la porte desquelles une feuille barrée d’un « Or service » est punaisée, et un patron au regard luciférien.
-C’est pour quoi, », me demanda-t-il comme s’il me soupçonnait de vouloir connaître sa mère bibliquement.
-C’est pour jouer. Je fais partie du groupe.
-Quel groupe ?

...And French Songs for all

La collecte de fonds pour l'enregistrement du prochain EP de Folks, French songs, est lancée. Pour citer Georgie B "ce n'était rien/que quelques euros/mais ça avait/payé l'studio".
Tout ça pour dire que vous avez la main, vous êtes le boss,le parrain, le grand manitou, le grand sachem, ...bon vous avez compris l'idée.
Ca se passe ici!
La bise,
François.

mardi 20 décembre 2011

Master of pépettes

Un petit message pour vous informer que dès demain commence la collecte de fonds pour mon nouvel EP (en français) sur le site de Microcultures. Florent Pagny écrit « Savoir aimer/sans rien attendre en retour/ Ni égard ni grand amour » : et bien nous c’est le contraire, aussi vous recevrez en fonction de ce que vous donnerez (pour tel prix les titres en Mp3, pour tel autre l’intégralité du catalogue Folks en physique etc.). Voilà, Prêts ? Ca se passera ici
La bise,
François.

lundi 19 décembre 2011

Répéter un dimanche : un défi olfactif

-Quand ça ?, demanda Adrien, intrigué.
-Tu sais à l’anniversaire de Pedro…
-De Pedr…de Pierre tu veux dire ?
-Voilà.
-Putain, j’étais complètement bourré, j’ai dû chanter un couplet de No woman no cry et c’est tout.
-Bah, j’étais bourré aussi, mais il m’avait semblé que ça sonnait bien. » Il se mit à fredonner ce qui ressemblait vaguement aux premières paroles de la chanson : « When aïe ouimender, when oui used to fit ».
-Apparemment, tu peux chanter aussi », dis-je à Baptiste.
-Moi ? Non, non », se défendit-il. « En plus, j’arrive pas à jouer quand je chante : c’est fromage ou dessert.
-Fromage ou…
-Soit l’un soit l’autre quoi.
-Ah ok. Bon les mecs, je vais pas vous forcer à chanter. Juste, je trouve que c’est un peu con. Ca sonnerait bien parfois d’avoir d’autres lignes de voix, même des trucs pas compliqués.
Adrien et Baptiste baissèrent ostensiblement la tête. Visiblement, ça n’était pas la peine d’insister. Je proposais alors de rejouer la chanson. C’était la troisième fois que nous répétions le morceau et je remarquai qu’Adrien ne cessait de faire varier sa partie. Toutefois je ne m’inquiétai pas, mettant cela sur le compte d’un certain perfectionnisme. Finalement, nous passâmes à d’autres titres puis le voyant lumineux marqua la fin des réjouissances. Il était l’heure de se retirer. Lorsque nous laissâmes le groupe suivant entrer, l’un des musiciens fronça les narines et se permit un commentaire :
-Putain ça flaire ? Vous avez fait du poney ou quoi ?
Je m’apprêtai à lui expliquer que l’odeur était dû à une paire d’adolescents bourrés aux hormones lorsque je remarquai qu’il portait un tee-shirt du groupe Toto, aussi ne m’abaissai-je pas à me justifier.
-Bon bah c’est con que tu chantes pas mais pour ce qui est de la guitare, ça le fait », dis-je à Adrien, une fois que nous fûmes tous sortis du studio. Nous étions en train de nous fumer une cigarette dans l’atmosphère bruineuse et vespérale. « T’en dis quoi Rodolphe ?
-Bah ouais je suis d’accord. Faut juste qu’on s’entende sur les parties quoi, mais sinon, ça va le faire.
-Et toi, ça t’intéresse toujours ? », demandai-je à Adrien.
-Ouais », fit-il faisant montre d’une motivation qui faisait plaisir à voir.
-Cool. Bah on répète la semaine prochaine alors ?
Tout le monde acquiesça. Folks était un quatuor.
On s’était fixé un peu naïvement comme règle de répéter deux fois par semaine : une en semaine de deux heures (le mardi je crois) et une le dimanche de cinq heures. Cinq heures de répète : rien que de l’écrire ça me fait saigner les oreilles. C’était pas qu’on faisait du Pantera mais, parfois on s’énervait un peu. En plus jouer le dimanche, ça n’était vraisemblablement pas une riche idée. Moi ça ne me posait pas spécialement de problème vu que les soirs de week-end, je me regardais la rediffusion d’un épisode de « Faut pas rêver » avant de me coucher vers onze heures. Pour les autres la chose était plus difficile. D’après ce que je devinais à demi mot, leurs samedis soirs auraient fait passer les ferias de Pamplune pour un apéro entre quinquagénaires narcoleptiques. Du coup, se retrouver à 14h tous les dimanches en état de fonctionnement, ça leur posait visiblement problème. Vu l’odeur d’alcool qu’ils exsudaient, on aurait dit que le studio avait obtenu sa Licence IV. Je proposais de remplacer la répète du dimanche par celle du samedi mais je ne réussis qu’à susciter l’indignation.

mercredi 14 décembre 2011

Lorenzo Lamas: le rebelle entre en action

Ouais ? » fit le gars de l’accueil, un téléphone calé entre l’épaule et l’oreille.
-Euh…moi ? Euh…c’est pour un studio…
-Ouais, jme doute bien que c’est pas pour une grande frite et un coca » On sentait que celle-là, elle lui avait servi plus d’une fois. « Nom ?
-Mon nom ? euh Folks…enfin le nom du groupe c’est Folks.
-Original », commenta-t-il en tapotant sur le clavier de son ordinateur. « Studio C, au fond du couloir sur la gauche. Les mecs d’avant vont sortir dans cinq minutes.
J’éprouvais une furieuse envie de ne pas dire merci car je suis complètement dingo, mais mon éducation prit le dessus. Bien sûr, il ne répondit pas et c’est légèrement courroucé que je me rendis devant la porte du studio C.
Le tiercé dans l’ordre : Rodolphe, Baptiste et bon dernier Adrien. Résultat, on attendait comme des cons tous les quatre que les mecs occupant le studio daignent obtempérer au signal rouge qui clignotait dans le studio indiquant que la répétition était terminée.
-Putain mais qu’est-ce qu’ils foutent ? » Je trouvai l’interrogation de Rodolphe tout à fait légitime et visiblement Baptiste également puisqu’il s’avança et donna un grand coup de pompe dans la porte.
-Putain t’es un rebelle ! », fis-je. « Lorenzo Lamas style quoi !
-Hein ?
-Lorenzo Lamas quoi ! Le rebelle ! Tu connais pas la série ?
Il s’apprêtait à m’indiquer que nous n’avions visiblement pas les mêmes occupations en périodes extrascolaires lorsque la porte du studio C s’ouvrit, découvrant à nos yeux indifférents deux mecs qui ne devaient pas avoir plus de vingt ans. L’un portait un étui de guitare, l’autre des baguettes de batterie, et tous deux étaient visiblement essoufflés avec des taches rouges sur les joues, genre je viens de faire un biathlon par moins quinze.
-Excusez-nous pour le retard », dit l’un d’entre eux. « On a pas vu le signal.
Mon cul : lorsque le voyant s’allumait, on avait l’impression d’être dans un film d’action au moment où la base sous-marine s’apprête à exploser. Pas moyen de le rater quoi. Seulement, ces mecs avaient l’air un peu spéciaux, pour faire dans l’euphémisme, aussi réfrénai-je la tentation de leur conseiller de s’insérer des objets contendants dans l’orifice de leur choix.
Nous entrâmes et immédiatement nous fûmes assaillis par une odeur de vestiaire à peine quittée par une équipe de rugby de division d’honneur. Ca fouettait grave.
-Putain mais ils ont joué au squash ou quoi ? » fit Baptiste.
Du coup on fut obligé de laisser la porte ouverte un moment pour aérer. Lorsque ce fut fait ou que nous nous fûmes accoutumés à l’odeur, nous discutâmes un peu pour savoir comment procéder.
-Bah j’ai écouté un peu des enregistrements de vos répètes que m’a filé Baptiste », nous expliqua Adrien. « Du coup j’ai bossé sur une chanson.
-Ah ouais ? T’as bossé laquelle ?
-Je sais pas comment elle s’appelle.
-La nouvelle » fit Baptiste à la place de son ami
-La dernière nouvelle ou l’ancienne ?
-La dernière.
-Ok, bah on peut essayer, carrément.
Ce que nous fîmes. Et je suis bien obligé d’admettre que je fus relativement impressionné par le jeu d’Adrien. Ca n’était pas le genre à se lancer dans des solos de tapping ou à gratter les cordes avec les dents. Il jouait peu mais bien.
-Cool ! » fis-je, à la fin de la chanson. « C’était bien !
-Merci.
-Et tu pourrais faire des chœurs aussi ?
-Euh…des chœurs ? Sur cette chanson ?
-Bah ouais ! Sur le refrain, ça le ferait !
-Euh…ouais…, fit-il sans paraître convaincu.
On se remit à jouer et une fois parvenu au refrain, je jetais un coup d’œil à Adrien qui, voyant que je l’observais se rapprocha du deuxième micro et ouvrit la bouche. Mais rien n’en sortit. On déroula le morceau mais à la fin, je ne pus m’empêcher de demander quel était le problème.
-Bah disons qu’en fait le chant, c’est pas trop moins point fort non plus.
-C’est pas ton point fort ? Genre tu chantes pas du tout ?
-Bah…euh…non…
Je me retournai vers Baptiste. Qui leva les mains en signe d’impuissance.
-Première nouvelle mec ! J’étais pourtant persuadé de l’avoir entendu chanter une fois.

lundi 12 décembre 2011

Toto Vs Trust: le choc des titans

-Euh, ze same but euh… black and white ?
Il me regarda comme si je commençais légèrement à le faire chier, me reprit la rouge, se retira puis revint avec l’objet tant convoité. Il me brancha. Je jouai. J’achetai.
-Et la douane ? Tu vas payer la douane ? », me demanda Armelle. Non je n’allais pas payer la douane, sinon aucun intérêt d’aller s’acheter une guitare à New York, chez Manny’s, entre la 6ème et la 7ème Avenue. Je me fis alors la réflexion qu’on risquait moins de me faire chier si la flight case (la housse rigide de la guitare pour les incultes) avait l’air d’avoir vécu, comme si je traînais avec moi l’instrument depuis dix ans. Je passai alors une bonne heure à m’acharner dessus en grattant le simili cuir à l’aide d’un cutter, en foutant des coups de pieds dedans et en collant dessus les stickers les plus improbables.
Au moment de passer à la douane je me sentais comme une mule bolivienne avec une dizaine de sachet de coke dans l’estomac : j’allais me faire choper, c’était sûr et alors, adieu la guitare de chez Manny’s…Les douaniers ne m’accordèrent pas le soupçon d’un regard qui aurait pu justifier mon angoisse de l’heure qui venait de s’écouler. Je passai la douane américaine puis la douane française sans le moindre encombre. Une fois arrivé chez moi, j’ouvrai la flight case à moitié défoncée et contemplai Excalibur (le petit nom que j’avais donné à « mon précieux »). Elle avait fière allure ma guitare. Je m’en saisis, ajustant la sangle motif fil de fer barbelé sur mon épaule et me lançait dans un solo assez énorme en pentatonique de la. Bon, sans ampli ça le faisait un peu moins, c’est sûr. Mais elle était quand même super belle. Je la replaçai dans son fourreau et l’y oubliai les six mois qui suivirent dans un coin de mon appart. J’avais tout bonnement oublié chez Manny’s que je jouais de la guitare acoustique pas de l’électrique.
-Je peux te prêter ma Telecaster si tu veux », proposai-je donc dans ma grande mansuétude à Adrien.
-T’as une Telecaster ? », fit-il avec pour la première fois des étoiles dans les yeux et de la vie dans la voix.
-Bah ouais. Je l’ai acheté chez Manny’s, entre la sixiè…
-Ah bah je veux bien, carrément ! » J’ai cru qu’en plus de m’interrompre, il allait jouir.
Nous convînmes donc de répéter à Studios Bleu rue des petites écuries, métro château d’eau un jour de la semaine suivante, notre studio habituel étant exceptionnellement fermé. Le jour T, je m’apprêtai à partir de chez moi lorsque je pris conscience que j’étais une grosse brêle : j’avais oublié qu’en plus de la Telecaster qui pesait le poids d’un âne obèse séquestré dans une flight case, je devais également me cogner mon électro acoustique. Déjà la ligne quatre à 14h avec rien d’autre en poche qu’une carte de transport c’est une expérience charmante remettant en cause les lois les plus élémentaires de l’hygiène et de la spatialité, mais avec deux guitares à l’heure de pointe, c’était carrément la version trash du Camel Trophy. Finalement, lorsque je parvins à m’extraire du monstre de fer, à la station idoine, j’étais trempé de sueur, les cheveux en bataille et les vêtements froissés. Je me trainai lamentablement jusqu’aux studios où je sonnai un bon moment avant que quelqu’un ne me réponde. Dans le hall, un maître chien avec son doberman. Le gars était assis sur une chaise et le doberman était éclaté sur le sol, à côté de lui, l’œil vitreux et la bave à la gueule, genre bête du Gévaudan version 10ème arrondissement. Je grimpai les escaliers un à un poussai la lourde porte d’entrée et pénétrai dans les locaux de Blue studio. Il y avait pas mal de monde devant l’accueil, du coup je pris mon mal en patience en observant les lieux : des pupitres, des pieds de micro, des murs blancs insonorisés avec des photos d’artistes censément connus (lui ? connais pas. Lui ? connais pas non plus. Lui ? Il jouait pas dans Trust ?). Mon tour arriva finalement.

jeudi 8 décembre 2011

Mark knopfler is back, he's angry, he wants his revenge!

L’autre événement de la soirée fut donc la prise de contact avec Adrien. C’est complètement con mais moi je l’associais dans ma tête au Pérou et je m’étais presque attendu à ce qu’il porte un gros bonnet en poil de lama et se trimballe toujours avec une flute de pan à jouer El condor pasa. Bah pas du tout en fait, il était habillé comme moi. Ok, un peu mieux. Au début, je ne savais pas trop quoi penser de lui vu qu’il était assez laconique.
-Salut !
-‘lut.
-Adrien, c’est ça ?
-Ouais.
-François. T’étais au Pérou alors ?
-Ouais. »
Bon visiblement, il n’était pas disposé à me montrer des diapos de l’endroit, aussi allai-je droit au but.
-Et alors tu joues de la guitare ?
-Ouais. » Putain, si j’avais eu un secret je l’aurais confié à ce mec. Je commençai à me demander s’il était bloqué sur repeat lorsqu’il développa : « Electrique. De la guitare électrique.
-C’est cool ça ! Baptiste m’a dit que tu chantais aussi » dis-je en me tournant vers notre connaissance commune qui assistait à la conversation. Adrien aussi le regarda l’air étonne, puis répondit en baissant légèrement les yeux :
-ouais, euh, un peu quoi…
-Parfait ! Peut-être qu’on pourrait essayer de répéter ensemble genre la semaine prochaine.
-Ouais » fit-il avec un enthousiasme proche de celui d’un éboueur à l’idée d’une nouvelle journée de travail. Je m’apprêtais à me retirer de ce groupe de parole pour en rejoindre un autre où je n’aurais pas l’impression d’être un agent de la gestapo lors d’un interrogatoire quand Adrien, à ma grande surprise, manifesta l’intention d’ajouter quelques mots.
-Par contre, j’en ai pas.
-T’en as pas ? Merde c’est con ça. Et de quoi dont ?
-Bah de guitare électrique.
Ok. J’étais donc en présence d’un guitariste électrique sans guitare électrique. Heureusement pour lui, j’avais ce qu’il lui fallait : une telecaster noire et blanche ramenée à mes risques et périls de New York. Invité à passé une dizaine de jour dans la grosse golden par mon amie Armelle qui y faisait son stage de fin d’étude, je m’étais rendu vers la fin de mon séjour chez Manny’s, un magasin de guitare situé entre la 6ème et la 7ème avenue à Manhattan. Accrochées au moindre centimètre de mur de la boutiques, des photos autographiées de toutes les stars passées s’approvisionner au magasin, de Jimi Hendrix à John Lennon en passant par Keith Richards, Kurt Cobain et…mais oui…Mark Knopfler. J’avais les yeux plein d’étoiles quand un vendeur m’avisa.
-Lookin’ for a guitar ? » Putain ce mec était fort. Comment avait-il bien pu deviner cela ?
-Yes », fis-je avec idiomatisme. Je tentai de construire une phrase correcte mais incapable d’obtenir de sa part le moindre signe de compréhension de la part de l’autochtone je me bornai à répéter en boucle « Telecaster, Telecaster, Telecaster », un peu comme Dustin Hoffman dans Rainman marmonnant « 82, 82, 82 » devant les cure-dents tombés sur le sol du resto. J’étais en effet venu à New York avec la ferme intention d’en repartir muni d’une telecaster noire et blanche comme celle utilisée en concert par Frank Black. Au bout d’un moment il s’exclama d’une manière un peu irritante « Ah yeah !!! a TELECASTER !!! » comme s’il venait de comprendre une bonne blague. Il me fit signe de le suivre, puis de m’asseoir sur un petit tabouret et me mis une Telecaster dans les mains. Elle était rouge.

mardi 6 décembre 2011

Omar Sharif Vs Freddy Mercury

Six mois s’écoulèrent. Nous abordions aux rivages de l’été lorsque Baptiste revint.
-Tiens c’est pour toi », me dit-il en me tendant une flute bordeaux sur lequel étaient gravés des motifs que je subodorais aztèques. Ca me toucha beaucoup : comme disait le moustachu, « ce n’était rien qu’un bout de bois » mais bon, dans mon cœur il faisait froid. Il ne rapporta pas uniquement des instruments à vent du pays des Mayas. Dans ses bagages, il avait également ramené Adrien, le fameux pote péruvien qui habitait dans le cinquième. Baptiste nous parla de son ami peu après être rentré, alors qu’on se morfondait en se disant qu’on aimerait bien recruter un second guitariste, capable aussi d’assurer des chœurs.
-Faudrait que vous le rencontriez », nous dit-il « Il joue vachement bien.
-Ah ouais ?
-Ouais.
-Et il chante aussi ? » c’était important pour nous.
-Euh…ouais ouais, il chante.
La première fois qu’on le rencontra c’était lors d’un concert que nous donnâmes aux Caves Le Chapelais dans le cadre d’un festival de quartier où nous avait programmés une amie.
-Bon normalement, c’est plutôt un endroit pour des soirées goth » nous avait-elle prévenus.
Dans ma tête peuplée de multiples voix, j’avais un peu mélangé goth et sado-maso, allez savoir pourquoi. Du coup, je fus un peu déçu dans mes attentes lorsque je constatai en arrivant sur place que les habitués ne se promenaient pas en laisse les uns les autres avec une boule dans la bouche. Pas une seule poulie, pas l’ombre d’un crochet de boucher, non une simple cave assez spacieuse avec une scène dans le fond. Le concert se passa plutôt bien, le public étant plus nourri que d’habitude. Seule ombre au tableau : le Vjay. On m’avait expliqué un peu avant de jouer ce que c’était : un mec qui allait passer des images censées être en accord avec notre musique pendant le concert. Bon aucune idée des motivations profondes du gars en question, mais toujours est-il qu’il passa en boucle des images de chevaux en pleine course, visiblement tirées du tiercé de France 2. J’allais le voir à la fin pour tenter d’obtenir une explication.
-Bah on m’avait dit que vos morceaux avaient un côté hippique.
-« Hippique » ?
-Bah ouais, tiens c’est Jérôme qui m’a dit ça : Jérôme viens là deux secondes…
Jérôme voulait visiblement avoir l’air pressé et nous le fit bien comprendre en refusant de s’arrêter dans sa course, préférant se contenter d’un simple ralentissement.
-Ouais quoi ? », dit-il en passant près de nous.
-Pas vrai que tu m’as dit que leur musique avait un côté hippique ? Nan ?
Là le Jérôme s’arrêta, vraisemblablement décontenancé.
-« Epique » mec, c’est « épique » que j’ai dit.
Silence.
-Ah merde. « Epique ». Putain j’avais compris « hippique ».
Tout s’expliquait. Le Vjay avait été livré sans disque dur. Soit dit en passant, je ne voyais pas trop ce que notre musique avait d’épique : pour moi épique c’est la chevauchée des walkyries, Freddie Mercury en train de chanter que le spectacle doit continuer, mais pas moi fredonnant de ma voix de fausset que, ouh ! c’est chaud ! je me rapproche du soleil.

dimanche 4 décembre 2011

Apprentissage de l'échec : retraite au Pérou

Tout ça pour dire qu’on avait commencé à jouer avec Baptiste lorsqu’on décida de participer au concours des Inrocks. Aussi, même s’il n’avait pas à proprement parler joué sur la version d’I’ve been near the sun qu’on avait soumis au magazine, nous lui demandâmes de prendre la photo avec nous. Genre team building quoi.
Du coup on était trois autour du clebs ce jour là, plus Nico qui prenait la photo. Comme je l’ai déjà dit Rodolphe était devant Balou, moi derrière et Baptiste venait en dernier. On tenta de se mettre en position et de calmer le chien qui tirait sur sa laisse comme un malade pour aller renifler une flaque de pisse. C’est à ce moment que Rodolphe posa une question cruciale.
-Vous êtes sûr qu’ils marchaient dans ce sens là,
-Hein ?
-Je me demande juste s’ils allaient bien de droite à gauche sur la pochette.
Là j’étais pris de court : je n’avais pas pensé à ça. C’est vrai d’abord : dans quel sens ils allaient ? Comme aucun d’entre nous n’était sûr à 100 % de la réponse, on envoya Nico regarder sur internet. Il revint dix minutes plus tard.
-Problème de modem désolé.
-Alors ?
-De gauche à droite. Par contre, on a oublié, y a McCartney qu’est pieds nus.
-Bah le chien aussi il est pieds nus donc ça le fait
Seulement nouveau problème, on devait faire comme si on marchait vraiment. Or Balou, lui ne voulait plus avancer l’enfoiré. Visiblement toute forme d’énergie avait déserté son corps de labrador jaune, et il demeurait aussi immobile qu’une statue de chien. Du coup, question rendu c’était pas vraiment optimal : Rodolphe, Baptiste et moi marchions alors que Balou était très visiblement à l’arrêt. En désespoir de cause, nous jetâmes notre dévolu sur une photo un peu plus marrante que les autres où on voit Rodolphe avancer d’un pas martial tandis que Baptiste et moi tentons de faire avancer la bête.
Nous accompagnâmes la photo d’une courte présentation que les Inrocks avaient également réclamée. Nous avions opté pour l’humour, mais en relisant la chose, je me dis que nous aurions peut-être mieux fait d’éviter car très franchement soit nous faisions preuve d’une ironie que nous étions seuls à comprendre, soit nous avions le potentiel comique de Roland Magdane.
Mettons tout de suite fin à un suspense insoutenable : nous échouâmes aux portes de la gloire. En effet, si notre titre figura bien sur la compil des Inrocks, le grand gagnant du concours désigné par les lecteurs du magazine fut un certain Spleen. Nous n’étions même pas seconds (cette place revint à Stuck in the sound). Pour tout dire nous ne sûmes jamais vraiment où nous étions arrivés dans le classement. Nous fûmes quelque peu déçus mais, sportifs, nous acceptâmes la sentence. Après tout, ça n’était déjà pas si mal d’avoir figuré sur la compil. Qui sait, peut-être que quelqu’un dans une maison de disque allait nous repérer. Le tout c’était d’être prêt. C’est le moment que choisit Baptiste pour nous annoncer qu’il partait six mois en Amérique du Sud. Mes souvenirs, encore une fois, ne sont plus ce qu’ils étaient mais il me semble qu’il y avait « Pérou » dans la phrase.
-Putain mais qu’est-ce que tu vas foutre au Pérou ?
-Bah y a un pote qu’est là-bas, c’est l’occasion quoi…
Nous n’en revenions tout simplement pas. Le téléphone allait sonner, les propositions de concerts s’apprêtaient à déferler et le rat quittait le navire ! Nous tentâmes avec subtilité de lui suggérer de déplacer son voyage.
-Putain joue pas ta pute ! T’iras plus tard à Bogotta !
-Lima, mec, Lima.
-On s’en branle, on n’est pas à questions pour un champion !
Nous eûmes beau déployer des trésors de diplomatie, il demeura inflexible tel le roseau. De janvier à fin juin, Folks était de nouveau réduit au triste état de duo acoustique.