lundi 14 novembre 2011

Pantera vs Georges Brassens ou "De l'importance du batteur en milieu hostile"

J’en étais à me demander comment ce con faisait pour évoluer dans l’espace avec ça sur les yeux quand Rodolphe me fit signe de regarder Julien. Il avait sorti de je ne sais où une petite radio qu’il gardait collé contre son oreille. Devinant que je m’apprêtais à lui faire une remarque, Julien dit d’un air mauvais « C’est bon, c’est bon, on y va », puis alla s’installer derrière la batterie, la radio toujours à la main.
Une fois prêt je regardai notre public ou plutôt les six personnes qui le constituaient. Il y avait mon frère, Sabrina et deux copines à elle et l’ingé son. Bon ok j’ai mal compté, ça fait cinq. Même les mecs de l’autre groupe étaient à l’autre bout de la péniche où le proprio avait placé une petite télé et on entendait leurs éclats de voix à chaque fois qu’une action un peu chaude avait lieu. Quand c’était le cas, Julien tendait le cou pour tenter d’apercevoir quelque chose et répétait frénétiquement « Y a quoi ? Y a quoi ? ». Et de fait on n’eut pas à attendre longtemps vu qu’on était au beau milieu de notre première chanson lorsqu’un fourbe croate nommé Suker se décida à nous en coller un bien profond en tout début de deuxième mi-temps. On entendit des hurlements de déception et Julien s’arrêta illico de jouer.
-Y a quoi ? Y a quoi ?
-But pour les croates.
Difficile d’enchaîner après ça. J’étais encore en train de me demander comment ramener Julien à la vie, lorsque d’autres exclamations se firent entendre, de joie pour le coup. Julien n’eut même pas le temps de poser sa question.
-But de Thuram !
-De Thuram ? » répéta Julien, incrédule.
-De Thuram, carrément !
Bon moi le foot, très honnêtement, je m’en battais un peu les rouleaux. Du coup c’est un peu irrité que je me retournai vers mon ami pour lui demander si il y avait éventuellement moyen de jouer une chanson en entier.
-Putain mais mec, Thuram quoi !
-Bah quoi, il est sur le terrain, normal qu’il en mette un de temps en temps nan ?
Déployant des trésors de patience, il me parla comme s’il s’adressait à un enfant un peu lent.
-Mais il est défenseur latéral droit, François !
Pour moi, ça n’était pas une raison valable. Et je le fis savoir.
-C’est pas une raison valable ! Même si il n’y a que cinq personnes dans le public…
-Quatre en fait », me corrigea Rodolphe. « l’ingé est allé regarder aussi.
-Ca change rien ! Il y a quand même quatre personnes qui se sont déplacées pour nous voir ! C’est une question de respect de continuer à jouer !
Il me semblait avoir convaincu Julien qui, malgré un manque d’entrain patent, se remit à taper sur sa batterie. Cependant lorsque dix minutes plus tard, on entendit des hurlements de joie provenir de l’avant de la péniche, il se leva sans hésitation, jeta ses baguettes à terre et se précipita vers le poste de télé. Nous ne le savions pas encore mais le second but de Thuram (un putain de défenseur latéral droit !) allait durablement marquer l’évolution artistique de Folks qui de power-trio se transforma par la force des choses en un duo guitare-basse : notre force de frappe sonore ne serait plus celle de Pantera mais bien plutôt celle de Georges Brassens sans moustache.

2 commentaires:

  1. L'équipe de France plutôt que Folks ? Trois coupes du monde plus tard c'est le genre de choix qui se regrette, non ? :p

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  2. tes paroles sont douces à mes oreilles.

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