dimanche 1 janvier 2012

Wessside? Mos def!

-Y en a plusieurs ?
-Non, non, on a privatisé le bar pour vous.
-Ah, c’est gent…
-Bien sûr qu’il y en a plusieurs ! », il se saisit d’un agenda grand format, l’ouvrit à la page du jour. Au crayon à papier, des noms de groupes, des numéros de téléphone, des dessins dont je refusais de comprendre la signification.
-Tu fais partie des « West side Niggaz » ?
-Des quoi ?
-Tu fais du rap oui ou merde ?
Avec ma petite gueule de bourge et ma Takamine dans le dos, cette question faisait honneur à ses qualités de physionomiste.
-Nan, je fais partie de Folks.
-Folks ? Je vois pas de Folks. T’es sûr que c’est aujourd’hui ?
-Bah oui.
-Bah nan, désolé. Aujourd’hui c’est les « West side Niggaz » et un groupe de funk, Mangoreva ou quelque chose comme ça.
Putain, je m’étais cogné l’intégralité de la ligne 3 et le trajet depuis la place gambetta à patte pour apprendre que Matthieu s’était planté sur la date ? Je l’appelai courroucé et tombai sur son répondeur.
-Répondeur », fis-je au barman qui avait l’air de se demander ce que je foutais encore là.
Devant l’insistance de son regard, je fit preuve d’initiative.
-Je vais prendre un café.
Il me regarda encore plus fixement si possible, puis poussa un profond soupir en se dirigeant vers le percolateur. Physionomiste ET commerçant donc. Il était en train de laver une tasse avec l’index sous le jet étique de son robinet, lorsque mon téléphone sonna ;
-Ouais ?
-C’est Matthieu. T’as essayé de m’appeler ? J’étais dans le métro.
-Ouais. Soit on a changé de nom et on s’appelle les West side niggaz soit tu t’es planté de date.
-Les quoi ? Ah ouais le groupe de rap ! T’inquiète, ils ont annulé. C’est justement comme ça que j’ai eu la date.
-Ouais bah t’arrives bientôt ? » fis-je en baissant la voix « parce que le tavernier a pas l’air au courant »
Il m’assura qu’il serait là dans les toutes prochaines minutes et mit un terme à notre entretien téléphonique. Histoire de faire la conversation, j’expliquai au proprio ma confusion initiale entre son bar et la flèche d’or. Erreur fatale.
-La flèche d’or c’est de la merde.
-euh…ok…
-Les bons groupes, c’est ici qu’ils viennent !
-D’accord, je vous crois.
-Genre la Mano negra. Ils sont passés à la Flèche d’or ? Bah nan. Par contre ils ont joué ici, au Gambetta.
Il s’arrêta pour réfléchir un instant.
-En fait, si, ils sont passés à la flèche d’or, mais plus tard. Ils faisaient déjà de la merde.
Sur ce, Matthieu arriva accompagné de Rodolphe. Ils avaient dû se croiser sur le chemin. Matthieu me salua en faisant un W avec ses doigts. Rodolphe me demanda si j’avais vu qu’il y avait la Flèche d’or juste à côté. Ouais, j’avais vu. Mon ami promena autour de lui un regard désabusé. Il laissa tomber un « sympa » chargé en ironie. Baptiste et Adrien arrivèrent peu après.
-Putain y a la flèche à côté !
Je leur fis signe de baisser le volume en tentant de leur expliquer la situation : le proprio était un fan de la Mano première période et considérait la flèche d’or comme le septième cercle de l’enfer. S’agissait d’être discret. Matthieu était quant à lui en train d’expliquer la situation à Thénardier.
-Moi c’est pas ce qu’il y a marqué », insistait ce dernier. « Regarde, c’est les West side ni…
-Nan mais je vois bien ! » Matthieu commençait à s’énerver « Seulement ils viendront pas. Quand je suis passé la dernière fois, le patron m’a dit…
-Le patron c’est moi.
-Bah c’était le sous-patron alors…bref il m’a dit que le groupe de rap pouvait pas jouer et que du coup il nous laissait la place.
Cette explication ne sembla pas réussir à percer la couche de gras qui entourait le cortex du proprio.
-Moi, je vois les west side…
-Bon. On peut pas appeler votre employé pour lui demander ?
So we did.

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