lundi 26 septembre 2011

Le premier concert (part 2)

Sa présence me déstabilisa tellement que je bredouillai vaguement « un peu de tout » à l’intention de l’ingé puis je me plongeai dans la contemplation du bout de ma chaussure droite. Lorsque je relevai les yeux, Christophe n’était plus là. Tout était trop calme. Ca sentait…la peur.
Nous laissâmes la place au groupe qui était censé jouer avant nous, des chevelus répondant au doux nom de Dying Corpse. J’avais parlé un peu avec leur chanteur avant de monter sur la scène pour faire les réglages. Un mec sympa qui devait avoir à peu près mon âge. Il m’avait expliqué que lui aussi s’était vu obligé de changer le nom de son groupe pour pouvoir jouer ce jour là. Demande express de la mairie.
-Et c’est quoi votre vrai nom ?
-Dying fœtus.
Ah ouais, quand même. Pas vraiment raccord avec la politique culturelle d’une mairie des Hauts-de-Seine Une question me taraudait mais j’hésitais à la lui poser, de peur qu’il ne le prenne mal. Finalement, je pris mon courage à deux mains.
-Corpse, ça veut bien dire cadavre, non ?
-Bah ouais.
-et Dying c’est du présent continu.
-Du quoi ?
-Du prése… enfin ça veut dire « en train de mourir » quoi ? Pas vrai ?
-Voilà.
-Mais comment un cadavre peut-il être en train de mourir ? Je veux dire soit le mec est encore vivant et il peut agoniser, soit il est mort et c’est effectivement un cadavre mais il n’est plus « en train de mourir ».
Il réfléchit un instant puis me dit :
-Merde, je crois que t’as raison.
-Je sais pas, peut-être que je me trompe hein ? », dis-je, certain d’être dans le vrai. J’avais un peu de peine pour lui car il avait l’air vraiment emmerdé. Au bout d’un moment il secoua la tête, comme un chien au poil long en train de s’ébrouer (« ebrouing », présent continu) et il me dit :
-Pas grave, nous on est « Dying fœtus » pas « Dying corpse ». Tu vois ?
-D’accord, ouais, je vois.
Puis, soudain, pris par le doute :
-Ca peut être en train de mourir un fœtus, pas vrai ?
-Ouais, ouais, carrément », lui répondis-je. Il eut l’air un peu rassuré.
Une fois descendu de la scène je tombai sur mon pote Vincent qui était venu pour l’occasion. Je le saluai d’une poignée de main virile et nous nous écartâmes un peu de la scène car le chanteur de « Dying corpse/foetus » avait commencé à tester le micro et il semblait vraiment lui en vouloir vu comment il lui hurlait dessus. Plus tard, en regardant des photos prises ce jour là, je hurlerais de rire devant la coupe de cheveux de Vincent, raie au milieu genre grosse influence « supercopter ». Mais sur le moment, je ne me gaussais nullement. J’étais pour tout dire quelque peu nerveux à l’idée que Christophe traînait dans les environs, tel un requin frayant dans une eau poissonneuse, avec moi dans le rôle du maquereau sans défense.
-…clope ?
-Hein ?
-Je disais « On va se fumer une clope ? »
A 16 ans j’essayai déjà d’arrêter. J’avais commencé, il y a deux mois et je trouvai que mon addiction prenait de l’ampleur. J’allais parfois jusqu’à fumer quatre cigarettes par jour, me sentant aussi dépravé que Keith Richards à la grande époque. J’étais un véritable chien fou, un mec imprévisible, un véritable malade mental et cette idée faisait naître sur mes lèvres un sourire de défi. Aussi, ce jour là je dis « Fuck off » à la partie de moi-même qui tentai de me garder sur le droit chemin, celui de la santé et de l’haleine fraîche et me dirigeai avec mon ami vers la sortie du tennis afin d’aller me griller une Marlboro ultra light.

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