mercredi 28 septembre 2011

Le premier concert - 4ème et dernière partie

Je n’étais pas vraiment pressé de revenir sur le terrain de jeu de Christophe, mais j’avais peur que des amis n’arrivent entretemps et, qu’en mon absence, ne décident de voguer vers de nouvelles aventures.
Je n’aurais pas dû m’inquiéter. A part Vincent, la seule personne de mon entourage qui est passée ce jour là ce fut mon frère.
-Tu joues à quelle heure, me demanda-t-il une fois sur place.
-Vers 20h. Dans deux heures quoi.
-Ah merde. Je vais pas pouvoir rester.
-Ah bon ? pourquoi ?
-J’ai dit à Cédric que j’irai avec lui à Paris pour voir ce groupe là, Mangoreva, ou un truc comme ça.
-Connais pas.
-C’est pas mal, c’est du reggae.
-Ok je vois, fis-je meurtri, genre « jkiffe le shit » ce genre de merde…
-Nan c’est plus politique les textes. Y en a une qui parle du racisme qu’est pas mal.
En fait j’ai dit une connerie. Mon frère ne fut pas le seul à venir. Ma mère pointa également le bout de son nez vers 19h.
-T’as oublié tes clés. On sera peut-être pas là quand tu reviendras. On va au cinéma.
J’adore ma mère. Mais pas ce jour là. J’étais en mode concert bordel ! Et en mode concert, on n’a pas d’attaches, pas de famille. Toute l’idée, c’est justement de sembler un peu mystérieux et lointain, ce qui est difficile lorsque votre génitrice vous demande devant tout le monde pourquoi vous avez mis ce tee-shirt froissé. Aussi la remerciai-je en un temps record tout en tentant de l’orienter avec subtilité mais efficacité vers la sortie du parking. Elle vit clair dans mon jeu.
-Ca va, ça va, je pars », dit-elle en rigolant à moitié. Puis reprenant son sérieux : « Et pas de cigarette hein ? » Je pris l’air offusqué, lui fit discrètement une bise puis reparti l’air mystérieux et lointain en direction des membres de mon groupe.
Après une heure passée à se demander quand allait arriver les dizaines de gens que j’avais invités, ce fut le moment d’y aller. Vu de la scène, on pouvait difficilement remettre en question l’étendue du désastre : il y avait huit personnes. Christophe les bras croisés inclus. Il faisait encore plein jour mais les lampadaires étaient étrangement déjà allumés comme si Dieu n’avait pas voulu courir le risque que nous passions à côté de notre défaite. La mort dans l’âme, nous nous mîmes à jouer.
David avait une sale manie : celle de jouer toujours un poil plus fort que les autres membres du groupe. Histoire qu’on n’en perde pas une note. Invariablement, l’un d’entre nous, excédé de ne pas pouvoir s’entendre montait le volume de son instrument, suivi par un troisième et cela jusqu’à ce que nos oreilles commencent à saigner. C’est exactement ce qui produisit à ce concert. Aussi sur les huit spectateurs qui nous regardaient, nous réussîmes à en faire fuir un quart. Deux quoi. Tous les autres reculèrent vers le fond du parking. Tous ? Non. Pas tous : Christian demeurait debout à dix mètres de la scène, les bras toujours croisés, le visage fermé. A la fin du premier morceau je tentai un « Bonsoir Chaville ! »
Bon, ça sonnait moins bien que je ne l’avais prévu. « Bonsoir Paris » oui, mais pas « Bonsoir Chaville », surtout quand le public se résumait à un pote, un mec du service d’entretien du club, trois joueurs en short qui venaient de finir leur partie et un ennemi mortel.
-Ca va ? Vous êtes chaud ?
Je fus sauvé d’un ridicule définitif par Vincent qui répondit avec un engouement suspect « Ouais ! ». Les autres spectateurs le regardèrent l’air de se demander ce qui lui prenait aussi baissa-t-il la tête l’air gêné.
-Le prochain morceau parle d’un mec qui a l’impression de ne pas avoir fait les bons choix…
-Tu m’étonnes ! », fit Christophe suffisamment fort pour que tout le monde l’entende.
-Elle s’appelle « Guilty »
Ouais, j’avais toujours eu un don pour les titres accrocheurs. Nous enchaînâmes ensuite avec « Sad situation » suivi de « La nouvelle » qui ne l’était plus vraiment vu que ça faisait un an qu’on la jouait tout les vendredi soirs, lors de notre hebdomadaire répétition. Epargnons-nous la set list exhaustive. Nous jouâmes en tout et pour tout dix morceaux en une demi-heure. La fin du concert fut saluée par une bruine d’applaudissement.
Je venais juste de descendre de scène lorsque je remarquai que Christophe s’était approché à une distance irrespectueuse.
-On peut dire que tu es vraiment aussi doué en musique qu’en tennis », fit-il fielleusement.
-Euh… merci », répondis-je avec ce sens de la répartie qui me caractérisait.
Voilà, c’était le premier concert d’une longue liste. La nuit venue, une fois dans mon lit, je me remémorai l’évènement et en vins à la conclusion que les choses ne pouvaient que s’arranger question succès artistique. Je me trompais.

(A venir : « Le deuxième concert » ou « Pourquoi manger indien avant de jouer sur une péniche n’est pas une riche idée »)

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