mercredi 1 février 2012

Taratata 7 : "Blagues Panthers!"

Pour ce qui est de l’après-midi, il faut reconnaître qu’elle est passée assez vite. Je ne sais pas pour vous, mais moi, la digestion, ça me casse en deux. Aussi abandonnai-je Christine pour regagner ma loge où j’avais déjà mis en place un partenariat gagnant-gagnant avec le canapé et le fauteuil et je m’abandonnais aux bras potelés de Morphée.
Lorsque j’ouvris les yeux, il faisait noir. Bon, ok, je n’en savais rien vu qu’il n’y avait pas de fenêtre dans la pièce. Mais, je le sentais comme la musaraigne sent la présence de l’aigle affamé. Je regardai ma montre : 18h ! J’avais dormi quatre heures ! Holy mother of god ! En plus, j’avais promis au technicien en charge des instruments de lui apporter ma guitare à 17h (« faut qu’elle s’habitue au plateau » m’avait-il dit en regardant l’instrument avec un sourire légèrement inquiétant) ! Je me saisis d’Excalibur et claquai la porte non sans l’avoir ouverte au préalable.
Retour sur le plateau, repérage du technicien, plates excuses puis recherche de Christine. Cette dernière était assise dans les gradins aux abords du plateau. Un jeune homme roux était en train de faire sa balance.
- C’est Ed Sheeran.
- Il est vachement roux », fis-je avec l’intime conviction de faire avancer le débat. Je me dis aussi « Cool, un autre mec juste avec une guitare ». Bon, au bout de deux minutes je déchantai : le rouquin avait un sampler et à la fin du morceau on aurait dit qu’il y avait autant de monde sur scène que dans un concert des chœurs de l’Armée rouge.
- Faut que tu te fasses maquiller », me dit Christine alors qu’on regardait l’Ed ranger ses affaires.
- Ah bon ?
- Et oui. Sinon tu vas avoir la peau qui brille.
Christine essayait-elle de me dire avec tact que j’étais déréglé au niveau de la production de sébum ? J’en étais là de mes réflexions quand elle se leva et me fit signe de la suivre. On remonta à la surface (au rez-de-chaussée quoi) et on se dirigea vers la salle où se trouvait la maquilleuse qui discutait avec deux personnes d’obédience masculine. Je n’en crus d’abord pas mes oreilles, mais il me fallut bien vite me rendre à l’évidence : les enceintes d’un ordinateur portable posé sur une table déversaient « Simple & Funky » d’Alliance Ethnik. Etais-je tombé dans un vortex qui m’avait ramené tel Marty McFly deux décennies en arrière ? Ça plus le fait de me faire appliquer sur le visage diverses poudres et onguents… un certain sentiment d’irréalité me gagnait. J’avais fermé les yeux pendant l’opération. J’avais un peu peur de ressembler à Kimera en les ouvrant mais non, on aurait dit juste moi, en mieux.
La suite du programme, c’était le dîner. Sûr qu’avec mes quatre heures de sommeil, j’avais l’impression d’être passé sans transition d’un repas à l’autre, mais l’heure c’était l’heure. Pour le coup, pas de Chris Isaak, mais on tomba sur les Mama’s Mule. Il y avait deux places libres à leur table et nous nous en emparâmes avec autant d’avidité qu’en éprouve l’orque se jetant sur la grasse otarie. Je me retrouvais à côté du batteur, Jessy. Il m’expliqua qu’il faisait partie d’un groupuscule appelé les « blague panthers » dont l’idée force (et pour tout dire la seule) était la suivante :
- Lorsqu’une blague te passe par la tête t’es obligé de la raconter.
J’avouais que je ne voyais pas trop ce que ça avait de difficile.
- Ça c’est parce que tu ne t’es jamais retrouvé à répondre à un employeur lors d’un entretien d’embauche que ton principal défaut c’est la fourberie.
- La fourberie ?
- Ouais, je sais pas pourquoi, sur le moment ça m’a semblé marrant. Le pire c’est que, pour être un vrai « blague panther », tu dois lever le poing après avoir dit ta vanne. Bah je peux te dire que tu te tiens debout, le poing en l’air dans le local cuisine d’une entreprise où tu postules, tu te sens un peu seul.
- Arrête de dire des conneries, lui dit Léonard en souriant.
- Je peux pas, ça m’est passé par la tête, j’étais obligé ». Sur ce, il leva le poing et s’exclama « Blague panthers ! ».
Bref nous rîmes et j’oubliai pour un moment que dans quelques heures je me retrouverai face à deux cent cinquante personnes bien réelles à gémir que j’aurais dû mourir à 27 ans. A la fin du repas, les Mama’s Mule allèrent se faire maquiller avant de partir sur le plateau se préparer pour leur passage, calé à 21h15. Je serrai la main de chacun des membres et quand j’arrivai à Jessy, ce dernier me dit :
- Bon bah salut.
J’étais chaud comme un gardon aussi n’hésitai-je pas deux secondes avant de lui répondre « Poil au cul ! »
Comme il me regardait l’air interloqué, je levai piteusement le poing et en guise de justification murmurait « Blague Panthers ».
- Mec », finit-il par dire « Y a des choses avec lesquelles on rigole et d’autres pas. Franchement, s’en prendre au physique et à ma pilosité, je trouve ça très, très moyen.
- Mais non, c’est pas ce que je voulais…», commençai-je.
- Blague Panthers !

2 commentaires:

  1. Musaraigne, aigle, orque, otarie, panthère, gardon... Joli bestiaire :-)

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  2. maintenant que tu le dis j'ai peut-être un peu chargé la barque ouais...

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