-Euh, ze same but euh… black and white ?
Il me regarda comme si je commençais légèrement à le faire chier, me reprit la rouge, se retira puis revint avec l’objet tant convoité. Il me brancha. Je jouai. J’achetai.
-Et la douane ? Tu vas payer la douane ? », me demanda Armelle. Non je n’allais pas payer la douane, sinon aucun intérêt d’aller s’acheter une guitare à New York, chez Manny’s, entre la 6ème et la 7ème Avenue. Je me fis alors la réflexion qu’on risquait moins de me faire chier si la flight case (la housse rigide de la guitare pour les incultes) avait l’air d’avoir vécu, comme si je traînais avec moi l’instrument depuis dix ans. Je passai alors une bonne heure à m’acharner dessus en grattant le simili cuir à l’aide d’un cutter, en foutant des coups de pieds dedans et en collant dessus les stickers les plus improbables.
Au moment de passer à la douane je me sentais comme une mule bolivienne avec une dizaine de sachet de coke dans l’estomac : j’allais me faire choper, c’était sûr et alors, adieu la guitare de chez Manny’s…Les douaniers ne m’accordèrent pas le soupçon d’un regard qui aurait pu justifier mon angoisse de l’heure qui venait de s’écouler. Je passai la douane américaine puis la douane française sans le moindre encombre. Une fois arrivé chez moi, j’ouvrai la flight case à moitié défoncée et contemplai Excalibur (le petit nom que j’avais donné à « mon précieux »). Elle avait fière allure ma guitare. Je m’en saisis, ajustant la sangle motif fil de fer barbelé sur mon épaule et me lançait dans un solo assez énorme en pentatonique de la. Bon, sans ampli ça le faisait un peu moins, c’est sûr. Mais elle était quand même super belle. Je la replaçai dans son fourreau et l’y oubliai les six mois qui suivirent dans un coin de mon appart. J’avais tout bonnement oublié chez Manny’s que je jouais de la guitare acoustique pas de l’électrique.
-Je peux te prêter ma Telecaster si tu veux », proposai-je donc dans ma grande mansuétude à Adrien.
-T’as une Telecaster ? », fit-il avec pour la première fois des étoiles dans les yeux et de la vie dans la voix.
-Bah ouais. Je l’ai acheté chez Manny’s, entre la sixiè…
-Ah bah je veux bien, carrément ! » J’ai cru qu’en plus de m’interrompre, il allait jouir.
Nous convînmes donc de répéter à Studios Bleu rue des petites écuries, métro château d’eau un jour de la semaine suivante, notre studio habituel étant exceptionnellement fermé. Le jour T, je m’apprêtai à partir de chez moi lorsque je pris conscience que j’étais une grosse brêle : j’avais oublié qu’en plus de la Telecaster qui pesait le poids d’un âne obèse séquestré dans une flight case, je devais également me cogner mon électro acoustique. Déjà la ligne quatre à 14h avec rien d’autre en poche qu’une carte de transport c’est une expérience charmante remettant en cause les lois les plus élémentaires de l’hygiène et de la spatialité, mais avec deux guitares à l’heure de pointe, c’était carrément la version trash du Camel Trophy. Finalement, lorsque je parvins à m’extraire du monstre de fer, à la station idoine, j’étais trempé de sueur, les cheveux en bataille et les vêtements froissés. Je me trainai lamentablement jusqu’aux studios où je sonnai un bon moment avant que quelqu’un ne me réponde. Dans le hall, un maître chien avec son doberman. Le gars était assis sur une chaise et le doberman était éclaté sur le sol, à côté de lui, l’œil vitreux et la bave à la gueule, genre bête du Gévaudan version 10ème arrondissement. Je grimpai les escaliers un à un poussai la lourde porte d’entrée et pénétrai dans les locaux de Blue studio. Il y avait pas mal de monde devant l’accueil, du coup je pris mon mal en patience en observant les lieux : des pupitres, des pieds de micro, des murs blancs insonorisés avec des photos d’artistes censément connus (lui ? connais pas. Lui ? connais pas non plus. Lui ? Il jouait pas dans Trust ?). Mon tour arriva finalement.
Aha, bien joué les titres. On ne pense jamais assez au référencement Google. :p
RépondreSupprimertrès drôle
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